Au Moyen Âge, le royaume de la chair est à l’ombre de l’église chrétienne. 

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A Paris, la plus grande ville de l’Occident, protégée par l’épaisse muraille de ses remparts qui limite sa croissance et la met à l’abri des invasions, l”état des feux” ordonné par le Royaume en 1328 recense 61.000 foyers,.
Et si on compte une moyenne de 4 habitants par foyer, cela nous donne une population d’environ 250.000 habitants.
La capitale attire déjà de nombreux jeunes migrants en quête de travail qui viennent de la province, de Champagne, de Bourgogne voire des Iles Britanniques, de l’Empire Germanique ou d’Italie.
Sur la rive droite de la Seine, la ville marchande est la plus animée. Au centre, sur l’île, on a les fonctions religieuses et politiques, et sur la rive gauche, le quartier intellectuel de la ville, avec son université et ses artisans spécialisés dans le livre.

Mais un des traits les plus surprenants de la capitale est sa domination par le Clergé.
Paris est découpé en 33 paroisses et compte 150 abbayes, prieurés et hôpitaux.
Un parisien sur dix est clerc.
4.000 étudiants, de passage à Paris pour leurs études, sont aussi considérés comme clercs.
Rappelons que l’Eglise a le monopole de l’enseignement.

> Amour et paillardise

La vie des gens du Moyen Âge tourne autour de l’Église.
Le prêtre connait tous ses paroissiens. Il baptise les enfants, marie les couples, entend les confessions, bénit les semailles et les récoltes et accompagne chacun lorsqu’il passe de vie à trépas.
Les femmes doivent se rendre à l’église trois à cinq fois par jour pour la prière et au moins une fois par semaine pour les offices, la confession et les actes de contrition pour le repentir.
L’Eglise impose aux hommes une vision totalement chrétienne de la société et justifie cette situation comme une émanation de la volonté divine. Nul ne peut se permettre de la remettre en cause.
Et, c’est le cas dans le domaine de la sexualité.

Contrairement à un idée répandue d’un Moyen Âge prude voire pudibond, les médiévaux savent et aiment parler de sexe.
Dans la littérature de l’époque, les fabliaux, les traités médicaux, l’amour et le sexe sont partout.
On y découvre avec surprise un Moyen Âge grivois, voire pornographique.
A titre d’exemple, cette illustration du Roman de la Rose, best seller de Guillaume de Lorris (aux environs de 1200).

Les façons de décrire l’acte sexuel, par exemple, sont loin d’être innocentes: «battre l’enclume», «prendre le château», «mettre en perce le tonneau», «enfoncer la porte», «capturer la perdrix» –autant d’images qui font de la femme une proie dont l’homme victorieux doit se saisir, y compris par la force.
Cette littérature ne fait elle pas le même effet que les films pornos d’aujourd’hui ?
Au Moyen Âge, l’Église considère la femme comme instigatrice du péché originel, on la soupçonne de porter l’hérésie. Il n’y a qu’un remède à cela : le mariage, en rendant la femme mère.
Ce sont les familles qui unissent leurs enfants, généralement douze ans pour les femmes et quatorze ans pour les hommes.
Quant à l’amour, il reste pendant assez longtemps totalement étranger au couple : le discours sur l’amour conjugal n’est qu’une création historique qui s’épanouit timidement à partir du XIVe-XVe siècle, alors que les troubadours expliquent pendant plusieurs siècles que le bon amour ne peut qu’être adultère.

> Quarante jours au pain sec

Mais qu’en dit l’Eglise ?
Pour elle, les règles sont claires. Elle impose des restrictions sévères et exerce une surveillance étroite sur les pratiques de ses contemporains dans leur vie intime.
Tout d’abord une relation sexuelle, même dans le cadre du couple conjugal est soupçonnée d’impureté. Elle doit être “raisonnée” et viser uniquement la reproduction afin d’engendrer de nouveaux chrétiens.
De toute façon, il vaut mieux ne pas excéder deux rapports hebdomadaires, c’est mauvais pour la santé : ” l’orgasme équivaut à deux saignées” et «l’abus de coït abrège la vie, dessèche le corps, réduit le cerveau, détruit les yeux…».
Selon Platine, humaniste et bibliothécaire du pape au milieu du XVe siècle :

« On doit éviter l’acte quand on est plein de vin ou d’autres viandes, quand on a l’estomac vide et quand on a très faim car une personne trop maigre et sèche deviendra étique et perdra sa chaleur naturelle. La bonne heure pour le faire est quand la nourriture est presque digérée, quand on n’a pas envie de dormir ou de faire autre chose…»

De toute façon, à cette époque, il fallait trouver la fenêtre de tir. Jugez plutôt !
La gaudriole est interdite le dimanche, jour du Seigneur, ainsi que les veilles de messe, le mercredi et le vendredi, jours de deuil.
La continence s’impose également avant les grandes fêtes liturgiques de l’année et les carêmes qui précèdent Noël, Pâques et la Pentecôte.
Ajoutons à cela qu’on ne touche pas sa femme pendant ses règles, et en cas de grossesse 4 à 5 mois avant l’accouchement et puis 40 jours après la naissance de l’enfant, le Pape Grégoire le Grand allant jusqu’à interdire les rapports pendant l’allaitement.
Avant 1200, les «temps interdits et déconseillés» étaient même plus nombreux, pouvant atteindre jusqu’à 250 jours de “ceinture” par an.
Mais que risquent les contrevenants pris en faute ou l’avouant sous confession ?
Les punitions sont régulièrement les mêmes, à savoir une pénitence au pain et à l’eau, la durée variant selon la gravité du péché, parfois quarante jours à ce régime sec…

Pour les cléricaux, la position de l’acte doit être celle la plus favorable à la reproduction.
La seule position tolérée par l’Eglise est la position du missionnaire.
Une légende assez couramment répandue voudrait que cette appellation vienne des missionnaires chrétiens qui l’auraient préconisée à leurs catéchumènes et nouveaux convertis comme la seule convenable en matière de relations sexuelles.
L’Eglise se justifie :

 « Les positions déviantes provoquent la colère de Dieu, outragent l’ordre naturel et peuvent donner lieu à des conceptions monstrueuses ».

Tous les actes sexuels dénués de finalité procréatrice vont être catalogués à partir du XIe siècle par un seul mot : “sodomie“. 
C’est notamment le cas de la fellation et de la masturbation appelée « la mollesse ».
S’amuser tout seul pour les hommes peut être «pire que manger de la viande le vendredi».
Quant à la véritable sodomie, selon saint Thomas d’Aquin, “c’est une perversion proche du cannibalisme”. L’homosexualité serait contagieuse, elle aurait même été responsable de la défaite des croisés en Terre sainte.

> Jouir en payant, c’est jouir sans pécher

Par contre la prostitution est plutôt bien admise au Moyen Âge.
La fornication tarifée est donc un moindre mal que l’église tolère d’autant plus avec l’essor des villes au XIIe siècle. Il vaut mieux que les hommes se satisfassent avec une prostituée plutôt que de corrompre leur femme.
C’est l’invention du bordel public, avec bains et leçons de fornication. Car ces endroits d’immunité conjugale sont aussi des lieux d’éducation sexuelle pour les jeunes garçons qui viennent apprendre «à chevaucher» pour se préparer à une saine conjugalité.

Si ces bordels sont souvent communaux dans les régions du Sud de l’Europe, ce n’est pas le cas à Paris.
A l’exception de celui de la rue de Glatigny, les bordels sont petits et peu nombreux.
Celles qu’on ne nomme pas encore “prostituées” mais “femmes folles” ou “femmes publiques” officient dans les tavernes, les étuves, sur les ponts et dans quelques “rues chaudes” de la Capitale.
Les étudiants, les hommes d’armes et les sergents du Chatelet profitent de ce commerce charnel toléré par l’Eglise.

De façon surprenante, on note que les membres du Clergé représentent 20 % de leur clientèle…

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