Dans le quartier du marais existe le plus ancien marché couvert de Paris.
Créé en 1615 à la demande du roi Louis XIII dans un quartier proche du Temple en plein développement, il prendra d’abord le nom de marché du Marais puis celui de Marché des Enfants-Rouges, nom qu’il conserve toujours aujourd’hui.
Ce nom donné aussi à ce quartier m’avait intrigué et j’en ai donc cherché l’origine.
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> L’hôpital des Enfants-Rouges
Il provient en fait de l’hôpital voulu par Marguerite de Navarre en 1535, sœur de François 1er. Elle souhaitait un établissement qui accueille dans des conditions correctes les enfants abandonnés. A l’époque ils sont recueillis par l’Hôtel Dieu et la cohabitation avec les malades engendre un taux de décès très important.
Deux versions s’opposent. D’abord celle qui voudrait que ces enfants aient été habillés d’une tenue rouge carmin. Une autre plus probable les désignant “enfants rouges” pour avoir tué leur mère en couche. Et cela par opposition aux “enfants bleus”, cyanosés par le froid, qui étaient récupérés sur les marches des églises ou devant les maisons bourgeoises.
Après sa fusion avec l’hôpital des Enfants-Trouvés en 1772, l’hôpital des Enfants-Rouges est supprimé.
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L’abandon d’enfants est un phénomène très ancien mais il connaitra un développement important surtout au XVIIIe siècle. Les raisons sont multiples. Tout d’abord la sexualité hors mariage engendre des enfants sans père. De nombreuses femmes placées comme domestiques dans les familles bourgeoises, proies faciles pour les maîtres de maison, ont recours à l’avortement clandestin ou accouchent en secret. Beaucoup meurent en couche à l’hôtel Dieu. La pauvreté, la précarité, le coût des matières essentielles, l’absence de contraception augmenteront le nombre d’enfants abandonnés.
> Les tours d’abandon
A la fin du XVIIIe siècle, l’Hôpital des Enfants-Trouvés situé en face de l’Hôtel-Dieu reçoit 25 fois plus d’enfants qu’au siècle précédent. Doté désormais d’un tour d’abandon ou “boîte à bébé” les mères peuvent y déposer leur progéniture. Une cloche avertit les sœurs qui récupèrent l’enfant abandonné et le mentionne sur un registre. L’enfant est doté d’une médaille portant ce numéro de registre, médaille qu’il doit conserver jusqu’à sa 9eme année.
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> Les meneurs
On assiste aussi à l’émergence de nouveaux métiers.
Le plus horrible est celui de “meneur“. En province, les hôpitaux refusent d’accueillir les enfants abandonnés car les seigneurs sont tenus de prendre en charge leur coût. Ils organisent alors des transferts de ces nouveaux nés vers Paris, dans des conditions que décrit Léon Lallemand dans son livre “Histoire des enfants abandonnés et délaissés” (1885)
” Les voyages se font dans des conditions épouvantables : les nourrissons sont entassés dans des charrettes ou dans des « paniers ouverts », sorte de boîtes matelassées portées sur le dos et pouvant contenir 3 à 4 nouveau-nés debout dans leurs langes. Le meneur ne s’arrête que pour prendre ses repas, et faire sucer un peu de lait aux enfants à l’aide d’un torchon trempé. Certains leur donnent du vin au lieu du lait… Quand il ouvre sa boîte, le meneur trouve parfois un nouveau-né mort… Mais impatient de se débarrasser de ce fardeau, il achève le voyage avec les deux ou trois autres…”
Les meneurs assurent aussi le transfert des nouveaux nés vers des nourrices. Souvent en campagne, elles recevront une rétribution de l’hôpital. Etre nourrice, c’est avoir un travail assuré et elles prennent autant d’enfants qu’on veut bien leur en donner.
Le nourrisson placé, c’est le meneur qui assure la liaison entre l’hôpital et la famille nourricière. Il sert d’agent payeur des gages. Eventuellement il se charge du retour à l’hôpital des effets et de l’acte de décès d’un nourrisson mort à la campagne. Trafics d’habits, détournement d’argent destiné à des enfants décédés sont monnaie courante. Le 10 janvier 1779 ces transports d’enfants seront enfin interdits par un arrêté royal :
« Sa Majesté est informée qu’il vient tous les ans à la maison des enfants trouvés plus de deux mille enfants nés dans des provinces très éloignées de la capitale ces enfants, que les soins paternels pourraient à peine défendre contre les dangers d’un âge si tendre, sont remis sans précaution et dans toutes les saisons à des voituriers publics distraits par d’autres intérêts et obligés d’être longtemps en route, de manière que les malheureuses créatures victimes de l’insensibilité de leurs parents souffrent tellement d’un pareil transport que près des neuf dixièmes périssent avant l’âge de trois mois.»
Les tours d’abandon seront abolis par la loi du 27 juin 1904. Les femmes conservent le droit d’accoucher anonymement dans les hôpitaux et d’y laisser leur bébé, puis d’être prises en charge gratuitement pendant 2 mois par le décret-loi du 2 septembre 1941 qui organise l’« accouchement sous X ».