Le plus ancien hôpital de la Capitale

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L'Hôtel-Dieu sur le plan de Turgot 1739

Il est souvent difficile d’imaginer les monuments disparus et de se faire une idée de leur emplacement.
Nous allons parler du plus ancien établissement hospitalier de Paris : l’Hôtel Dieu.
Vous le localisez certainement.
Il est sur la gauche du parvis de Notre Dame. Sauf que ….. savez vous que c’est le nouvel Hôtel Dieu car l’hôpital a été démoli et reconstruit en 1867 , et pas à la même place.
Et le parvis de Notre Dame n’avait pas cette dimension. Tout le côté gauche du parvis n’était qu’enchevêtrement de rues étroites qui disparaitront lors des grands travaux d’Haussmann.

Mais justement il va être simple de prendre la mesure de toutes ces dimensions.
Je vous propose de vous rendre sur la rive gauche de la Seine, place du Petit Pont. Positionnez vous à l’angle de la rue de Huchette et de la rue du Petit Pont et regardez Notre Dame de l’autre côté de la Seine.


Il est fait mention de l’hôtel Dieu en 651. Symbole de la charité et de l’hospitalité, il sera le premier des nombreux hôtel-Dieu qu’on trouve dans de nombreuses villes françaises.

Hôtel-Dieu Vaison-La-Romaine

Il faut dire que la pauvreté étant très importante au Moyen Age, les bourgeois trouvent dans les œuvres de bienfaisance un moyen de racheter leurs péchés.
L’hôtel Dieu va s’établir sur le coté droit du parvis de Notre Dame, côté Seine puis progressivement sur l’autre rive du fleuve.

> Les cagnards, coupe gorge dès la tombée de la nuit

D’où vous vous trouvez, commencez par oublier le quai de Montebello où sont les bouquinistes. Il n’existe pas encore.
Par contre le petit pont qui est l’actuel Petit-Pont-Cardinal-Lustiger est bien là tout comme le pont suivant en direction de Notre Dame, le pont au Double, la rue de la Bûcherie, prolongement de la Rue de la Huchette aussi.
Et bien pour vous représenter l’implantation de l’Hôtel Dieu, imaginez le entre le petit Pont et le Pont au Double des deux côtés de la Seine, et ce jusqu’à la rue de Bûcherie. Un pont reliait les deux bâtiments par dessous le bras du fleuve, le Pont Saint Charles. Il a disparu lors de la démolition de l’hôpital.
C’est sous les bâtiments de l’hôpital que s’étendaient les “cagnards”, ces tunnels voutés qui servaient à la livraison des marchandises et de lavoirs pour le linge de l’établissement hospitalier. Ces passages étaient peu fréquentables la nuit, repère des brigands.
Ils seront détruits ou comblés lors de la démolition de l’Hôtel-Dieu. Seule une partie des galerie servira à la ligne 7 du métro.

les Cagnards

> La monnaie de singe

Mais, il manque un élément caractéristique du quartier. Il se situait à l’entrée du petit pont et servait de porte Sud à l’Ile de la Cité. D’abord en bois, démoli plusieurs fois comme le petit Pont lors de crues de la Seine, il fut reconstruit en pierre : c’est le Petit Chatelet. Vous voila projeté au Moyen Age. C’était à l’intérieur du Petit Chatelet qu’étaient perçus les droits d’entrée des marchandises qui arrivaient dans Paris.
Une anecdote ? Savez-vous d’où vient l’expression “payer en monnaie de singe” ? Les marchands qui allaient vendre un singe dans la Cité acquittait un droit de 5 deniers. Mais si le singe appartenait à un jongleur, terme de l’époque pour désigner un dresseur d’animaux et que celui-ci faisait danser son singe au passage du péage, il entrait gratuitement dans la Cité.

> Un taux de mortalité particulièrement élevé

Revenons à notre Hôtel-Dieu. A l’exception des lépreux qui sont soignés en dehors de la ville, sa fonction charitable l’obligeait à accueillir tous les malades qui s’y présentaient. C’est aussi un lieu de réclusion pour les vagabonds. Nombreux sont les textes qui décrivent l’hôpital comme un lieu où la promiscuité donne un pronostic vital incertain à celui qui vient s’y faire soigner. La mortalité touche plus de 20 % des malades.

” Qu’on se figure en effet de longs couloirs bas et obscurs, remplis de vastes couches dans lesquelles on entassait jusqu’à six malades à la fois; un voyageur harassé de fatigue dormant auprès d’un varioleux ; un typhus auprès d’une fièvre intermittente ; un mal de gorge au voisinage d’une grave dysenterie, et l’on s’étonnera qu’un, homme ait pu sortir vivant de ce cloaque empesté. La médecine elle-même était complice de tant de barbarie.”( l’Hôtel-Dieu de Paris en juillet et août 1830 – Prosper Ménière).

Les morts de l’hôpital rempliront les fosses communes d’une parcelle dédiée au cimetière des Innocents puis c’est à Clamart dans un cimetière où disait-t-on les jeunes chirurgiens venaient la nuit se faire la main sur les cadavres frais que seront conduits les malades défunts.
« Les corps que l’Hôtel-Dieu vomit journellement, sont portés à Clamart. C’est un vaste cimetière, dont le gouffre est toujours ouvert. Ces corps n’ont point de bière : ils sont cousus dans une serpillière. On se dépêche de les enlever de leur lit; & plus d’un malade réputé mort, s’est réveillé sous la main hâtive qui l’enfermait dans ce grossier linceul; d’autres ont crié qu’ils étaient vivants, dans le chariot même qui les conduisait à la sépulture.
Ce chariot est traîné par douze hommes. Un prêtre sale et crotté, une cloche, une croix, voilà tout l’appareil qui attend le pauvre : mais alors tout est égal.
Ce chariot lugubre part tous les jours de l’Hôtel-Dieu à quatre heures du matin ; il roule dans le silence de la nuit. La cloche qui le précède éveille à son passage ceux qui dorment ; il faut se trouver sur la route pour bien sentir tout ce qu’inspire le bruit de ce chariot, et toute l’impression qu’il répand dans l’âme.
On l’a vu, dans certains temps de mortalité, passer jusqu’à quatre fois en vingt-quatre heures : il peut contenir jusqu’à cinquante corps. On met les enfants entre les jambes des adultes. On verse ces cadavres dans une fosse large et profonde ; on y jette ensuite de la chaux vive ; et ce creuset qui ne se ferme point dit à l’œil épouvanté qu’il dévorerait sans peine tous les habitants que renferme la capitale.”
(Tableau de Paris 1782 – Louis Sébastien Mercier).

A la fin du XVIIe siècle les conditions s’améliorent et l’hôpital devient une “machine à guérir” puis un lieu d’enseignement de la médecine.

Hôtel Dieu photo de Charles Maleville 1867

Un incendie fera 14 morts et 19 blessés en 1772 et détruira une partie de l’Hôtel-Dieu.
En 1837, avec la création de l’actuel quai Montebello, une annexe sera reconstruite entre le quai et la rue de la Bûcherie. Mais finalement c’est l’ensemble de l’hôpital qui sera rasé tout comme le quartier qui deviendra ainsi le siège du nouvel Hôtel-Dieu que nous connaissons aujourd’hui.
Le petit Châtelet avait, quant à lui, disparu en 1782.

le petit Chatelet et le petit pont en 1780

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