Haro sur le périf’

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C’est officiel – la Mairie de Paris l’a confirmé ces jours-ci – après les Jeux Olympiques qui verront une voie du périphérique parisien réservée aux véhicules de la manifestation, une voie sera définitivement dédiée aux taxis, transports en commun et au co-voiturage.
Et n’imaginez pas tricher, on nous a averti : des machines intelligentes seront capables de s’assurer qu’un passager est bien assis à côté du chauffeur.
Ne pensez pas mettre le gros nounours de votre fils à la place, l’intelligence artificielle – c’est sûrement elle – veille.
Et ce n’est surtout pas le seul changement qui attend les parisiens : la vitesse des véhicules sur le périf’ sera abaissée à 50 km/h en lieu et place des 70 actuels. Oui : 50 km/h !
Mais c’est beaucoup diront certains car savez vous que la vitesse moyenne est de 35,5 km/h (chiffres 2019) !!! Et oui, c’est souvent que ça coince !

Après avoir piétonnisé les quais de Seine puis réduit la vitesse intra-muros dans la majorité des rues à 30 km/h, l’équipe d‘Anne Hidalgo maintient son cap.

ll faut dire que 100.000 personnes habitent et vivent à proximité du périphérique parisien.
Plus d’1,3 million de véhicules circulent chaque jour sur le “périf'”  émettant des polluants atmosphériques néfastes à la santé jusqu’à 400m aux alentours.
La pollution moyenne est 3 fois supérieure à celle que l’on note à 150m de la rocade.

Le périphérique parisien, c’est une boucle de 35,04 km.
La voie la plus près de Paris est dite périphérique intérieur, celle côté banlieue le périphérique extérieur. On ne rit pas : certains ne le savent pas !
Observez bien : à chaque entrée, lorsque vous roulez sur le périphérique, il y a le fameux panneau dit Croix Saint André qui précise que les voitures entrant sur le périphérique et donc qui viennent de droite ont priorité (uniquement sur la voie de droite).
Cela n’est pas habituel sur les entrées des voies à grande circulation, telles les autoroutes.
Imaginez sans cette règle, vous n’arriveriez jamais à vous insérer dans le trafic.

Et si, après cette leçon de code, nous revenions aux origines de ce fameux périphérique parisien qui traverse les 40 portes de la capitale.
C’est l’objet de cet article. Car on doit chercher l’origine de notre périf’ dans les remparts.

> Paris a toujours été encerclée

Ce sont les Romains, qui les premiers, ont bâti des murailles autour de Paris. Eux avaient protégé l’Ile de la Cité.
Plus tard, face aux attaques répétées des barbares, Hugues Capet fait édifier une nouvelle enceinte : c’est l‘enceinte carolingienne en 987 puis à la fin du XIIème siècle Philippe Auguste fait bâtir des fortifications qui entourent tout Paris.

Le Louvre et l’enceinte de Philippe Auguste sous Charles V (collections duc de Berry)

Deux autres enceintes suivront : celle de Charles V, construite de 1356 à 1383, puis celle de Louis XIII dite des Fossés Jaunes à la fin de XVIème siècle.
De celle qui fut construite peu avant la Révolution, il reste les barrières d’octroi qui servaient à récolter un impôt très impopulaire qui taxait toutes les marchandises entrant dans Paris. Cette enceinte baptisée “Mur des Fermiers Généraux” faisait 14 kms.
Beaumarchais disait de ce mur :

Le mur murant Paris rend Paris murmurant

Elle fut détruite en 1860, date où fut élaborée une nouvelle enceinte qui était en réalité une fortification : l’enceinte Thiers construite  de 1841 à 1844.

Profondément marqué par l’entrée des troupes russes dans Paris qui avait conduit à l’abdication de Napoléon Ier, Adolphe Thiers est convaincu qu’en entourant la capitale d’une ligne de fortifications, Paris sera protégée.
Les “fortifs” comme on les a appelées comprennent 95 bastions protégeant 17 portes, le tout sur une longueur de 35 kms (en rouge sur le schéma suivant).

Les diverses enceintes de Paris au fil des siècles

L’enceinte est composée d’une rue militaire intérieure, d’un parapet de 6 mètres de large, d’un mur de 10 mètres de haut et large de 3,5 mètres, d’un fossé sans eau de 40 mètres et d’un glacis de 250 mètres de large.

Paris au temps des “fortifs” vers 1910 / © Galerie Lumière des Roses

Cette zone interdite de construction sera squattée de bidonvilles dès la fin du XIXème siècle à l’abandon de la fonction militaire.
On baptisera cette bande de terre : la “zone“.
Le terme “zonard” a subsisté.
30.000 personnes y habiteront dans des conditions d’insalubrité au début du XXe siècle.

Enfants jouant sur la “zone” (Doisneau)

Ces fortifications n’empêcheront pas les Prussiens de pilonner Paris.
Leur démantèlement est envisagé dès 1882.

> Une ceinture d’immeubles et de terrains de sports

A partir de 1930, les terrains sont peu à peu réhabilités et les fortifications démolies.
Des espaces verts et des terrains de sports remplacent les bidonvilles et surtout des HBM sont édifiés.
Ces Habitations Bon Marché, ancêtres de nos HLM subsistent toujours et on les reconnait avec leurs briques rouges tout autour des Boulevards des Maréchaux, cette ancienne rocade qui desservait les fortifications militaires coté intérieur de la Capitale tout comme la ligne de chemin de fer de la Petite Ceinture.

Les Habitations Bon Marché

A la fin des années 30, le boulevard militaire (les actuels Boulevards des Maréchaux) connait déjà une circulation difficile. Un premier projet d’une nouvelle voie de circulation qui serait construite sur la “zone” voit le jour mais il restera dans les cartons.
Il faudra attendre 1954 pour que le projet revoit le jour mais cette fois, il ira à son terme.
Les travaux vont durer de 1956 à 1973. C’est Pierre Mesmer, alors Premier Ministre qui inaugurera le dernier tronçon le 25 avril 1973.

périodes de construction du boulevard périphérique de Paris (source wikipédia Mathieu Flonneau )

Le coût global est de 2 milliards de francs 1973.
Point à noter : la Cour des Comptes jugera la dépense raisonnable par rapport aux autres réalisations routières de l’époque, en particulier les autoroutes.

Une vue générale de la rocade périphérique Porte Maillot N13 en construction le 24 avril 1973 ©Getty – (Photo par Central Press/Hulton Archive).

> Et la vitesse sur le périf dans tout ça ?

Savez-vous qu’à son ouverture, la vitesse sur le périph était limitée à 60 km/h ?

Tout simplement, parce qu’on était en ville et que la vitesse limite y était à cette époque de 60 km/h.
C’est un arrêté le 11 janvier 1965 qui fixera une dérogation pour le périph portant la vitesse maximale autorisée 80 km/h. Cette vitesse sera abaissée à 70km/h par le gouvernement le 10 janvier 2014.
C’est à cette vitesse maxi que roulent les Parisiens aujourd’hui (quand ils le peuvent) en attendant la décision promise par la Mairie de Paris.

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