Qui n’a pas entendu à la campagne l’histoire d’un vieux voisin si pingre que les gens disent “- Il doit avoir un magot caché dans sa grange” ? Et vous, n’avez-vous pas rêvé de découvrir un trésor derrière de vieilles pierres?
Les chercheurs sont nombreux … mais les trésors sont rares.
Nous sommes le 24 mai 1938 et une dizaine d’ouvriers s’affairent à la démolition d’un vieil immeuble insalubre acquis par la Ville de Paris depuis plusieurs années au 53 de la rue Mouffetard.
“- Venez voir comme c’est curieux !” s’esclame un terrassier, Flamignio Mores.
Les autres ouvriers posent leur pelle et s’approchent pour découvrir un sac en toile de forme allongée qu’un coup de pioche vient de libérer du mur. Un ouvrier sort un couteau et éventre le bizarre objet d’où jaillit un flot de pièces jaunâtres qui tombent au sol.
” – Des médailles !? Ca amusera les gosses ! “.
Et au hasard chacun en prend une poignée qu’il fourre dans sa poche.
Quelques coups de marteau suffisent pour mettre au jour plusieurs autres sacs de toile. La journée se termine et chacun rentre chez soi.
En chemin Flamignio Mores rencontre un ami, lui conte l’histoire en lui montrant les “médailles”.
” – Mais c’est de l’or, va voir le bijoutier, lui te dira“.
Notre terrassier se rend alors chez le bijoutier de Montreuil qui, après avoir essuyé le plâtre sur les pièces, est formel :
“Mais oui Monsieur, c’est de l’or, des louis d’or à l’effigie de Louis XV“.
Flamignio Mores court immédiatement au Commissariat de Montreuil qui avise son confère le commissaire de la Sorbonne en charge de la rue Mouffetard. Le lendemain, tout le monde est prié de rapporter les pièces empochées et le commissaire accompagné d’un huissier se rend sur les lieux. Il découvre dans un des sacs de toile un parchemin quelque peu abimé. Aucun doute c’est un testament d’un certain Louis Nivelle “Écuyer, Conseiller, Secrétaire du Roi, Audiencier en la Chancellerie du Palais”.
Par ce texte daté du 16 novembre 1756, l’homme lègue son magot qu’il évalue à 15.600 livres à sa fille Anne-Louise-Claude Nivelle. Les pièces sont toutes en or (des louis, des demi-louis et des doubles-louis en très bon état de conservation). Le poids total du trésor atteint les 30 kilos d’or et son estimation en francs de 1938 avoisine les 1.600.000 francs soit 800.000 euros.
Mais qui va bénéficier du précieux trésor ?
Conformément à la loi, il doit être partagé entre les héritiers, les découvreurs et la ville de Paris, propriétaire de l’immeuble. Des généalogistes recherchent les descendants de l’héritière. Il faudra onze années, seconde guerre oblige, pour que le tribunal civil fasse cette répartition le 2 juin 1949. Les 2812 pièces listées dans le testament seront affectées en tant qu’héritage aux 84 descendants d’Anne-Louise Nivelle. Le reste est considéré comme trouvaille partagé pour moitié au 10 découvreurs et pour moitié à la ville de Paris.
7 pièces provenant du trésor sont exposées au musée de la Monnaie.
Dernière anecdote : quelques années avant la découverte, dans l’immeuble, une femme serait morte de faim lors d’un hiver rigoureux, ne se doutant pas qu’à côté d’elle dormait ce fabuleux trésor.