L’égout et les couleurs … olympiques

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La Ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, l’a déclaré encore récemment : pouvoir se baigner dans la Seine est « un des rendez-vous du siècle ».
Les épreuves de triathlon des Jeux Olympiques sont prévues les 30, 31 juillet et 5 août entre le pont Alexandre III et la tour Eiffel. Puis, les 8 et 9 août, ce sont les compétitions de nage en eau libre : le natation marathon.
En août 2023 a eu lieu la répétition de l’épreuve de natation en eau libre des futurs Jeux Olympiques mais elle a viré au cauchemar car, à la suite d’un épisode pluvieux particulièrement intense, les seuils de qualité de l’eau du fleuve avaient été largement dépassés.
Pourtant, l’Etat et les collectivités locales ont investi 1,4 milliard d’euros dans des travaux destinés à rendre le fleuve baignable.

> Eugène Belgrand, le père des égouts parisiens

C’est lors des travaux du baron Haussmann, en 1854, qu’Eugène Belgrand est chargé de mettre en œuvre un vaste réseau d’assainissement qui fonctionne encore aujourd’hui. A l’occasion de la création des nouvelles artères de Paris, toutes les rues sont éventrées et dotées de collecteurs. Ce sont plus de 2.400 kms de réseau qui cheminent désormais sous Paris.
Le préfet Eugène Poubelle – dont nous avons déjà parlé dans un précédent article – avait contraint les propriétaires d’immeubles par arrêté en 1894 à déverser leurs eaux usées ménagères et les excréments dans le réseau des égouts : c’est la création du tout-à-l’égout qui supprimait les fosses avec leurs vidanges périodiques et les voiries insalubres.

Le réseau des égouts parisiens est remarquable en plusieurs points :

Il est d’abord composé d’un réseau unique, hiérarchisé et visitable :

  • un branchement particulier pour chaque immeuble ;
  • puis des égouts élémentaires (1,30 mètre de large), sous chaque rue ;
  • des collecteurs secondaires (3 mètres de large avec cunette -zone d’écoulement au fond d’un collecteur équipé d’une ou de deux banquettes de visite –  de 1,20 mètre) ;
  • des collecteurs principaux (de 5 à 6 mètres de large avec cunette de 3,50 mètres), en général sous les boulevards ;
  • et enfin des émissaires (égouts ronds de 2,50 à 6 mètres de diamètre, non visitables) transportant les eaux usées vers les stations d’épuration.

Autre particularité : son écoulement ne repose que sur la gravité.

Enfin – et c’est ce point qui a toute son importance dans notre sujet – il recueille les eaux de pluie qui ont la fonction de nettoyer les canalisations.
Ce système présente des avantages mais aussi un inconvénient majeur. En cas de fortes pluies, des trop pleins vont déverser l’excédent dans la Seine en plusieurs endroits. Mais ces rejets évacuent aussi les égouts dans le fleuve.

> Une des plus grandes stations d’épuration d’Europe

Des stations d’épurations ont été crées à partir de 1930.
Le 17 juillet 2023, une nouvelle station a été inaugurée à Valenton dans le Val de Marne.
Située à une dizaine de kilomètres en amont de Paris, elle est la deuxième plus grande station d’épuration d’Europe.
Elle rejette ainsi chaque jour dans la Seine près d’un million de litres d’eau dépolluée. Avant ce rejet, la concentration de bactéries fécales de l’eau traitée a été divisée par 1.000.
Mais pour rendre l’eau de la Seine propice aux épreuves des Jeux , il est nécessaire d’ajouter de l’acide performique qui est sans danger pour l’homme et les animaux et ne sera utilisé que du 1er juin au 30 septembre.

> Le métier d’égoutier : une espérance de vie inférieure de 17 ans

Nous l’avons dit, une des spécificités du réseau d’égouts parisien est d’être visitable.
L’entretien est assuré par 320 égoutiers. Cette corporation est particulièrement exposée à divers dangers tels que ceux liés à la faune (rats, scolopendres, araignées) et aux produits toxiques.
Si les égoutiers furent l’une des premières catégories de salariés à obtenir le paiement intégral des jours de maladie en 1893 et la journée de 8 heures en 1899, leur espérance de vie est réduite de 17 ans par rapport aux autres salariés (statistiques officielles de 2010).
Le travail est très physique, notamment lors des curages réalisés dans les conduites principales avec le bateau-vanne.
Paris est la seule ville à utiliser ce dispositif. C’est une sorte de barrage, posé au fond de l’égout, qui bloque l’eau. Il progresse, mètre par mètre, et les lames chassent les eaux, les boues et autres déchets accumulés, ce qui permet de curer le collecteur.
Le bateau-vanne d’un poids de 6 tonnes, d’une longueur de 9,80 m et d’une largeur de 2,20 m est manipulé par 6 égoutiers. Le bateau-vanne est fixé à des anneaux situés de part et d’autre du collecteur. La vanne s’ouvre et libère brusquement un courant qui pousse les dépôts vers l’aval.

Je vous invite d’ailleurs à visiter le Musée des Egouts de la Ville de Paris pour en apprendre plus sur le métier d’égoutier et sur les originalités du réseau parisien.
Savez vous que le réseau passe sous la Seine en utilisant le principe des vases communicants ?

> Un réservoir de 20 piscines olympiques

Pour remédier à ce risque de déversement des égouts dans la Seine, un bassin gigantesque vient d’être inauguré le 2 mai dans le 13e arrondissement. Ce bassin, surnommé la cathédrale souterraine, est d’une contenance de 50.000 m3 soit l’équivalent de 20 piscines olympiques.
De l’extérieur, on ne voit qu’une dalle de béton qui cache le bassin de 50 mètres de diamètre et qui s’enfonce de 30 mètres sous terre. Un gros tunnel y est relié et passe sous la Seine, sous la ligne 10, sous le RER C. Il récolte les eaux de la rive gauche et de la rive droite et vient se connecter à ce bassin de stockage.

L’inauguration du bassin de stockage des eaux usées de la Seine, le 25 avril 2024. (GAO JING / XINHUA)

Lors de très gros orages ou pluies abondantes, les eaux pluviales seront orientées vers cet immense réservoir avant d’être réacheminées vers les stations d’épuration 24h ou 48h plus tard.
Ainsi, il n’y aura plus de déversement intempestif dans la Seine.
Les épreuves de natation devraient donc se dérouler normalement dans la Seine qui serait ouverte à la baignade des Parisiens après les Jeux.

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