La “décoiffante“, telle était un des surnoms de la guillotine.
Nous sommes Place de la Concorde – à l’époque place de la Révolution – ce lundi 21 janvier 1793.
La guillotine a été installée à l’angle de la place de l’autre côté du Jardin des Tuileries, là où se trouve aujourd’hui la statue de Rouen.
Il est 10 h 22 lorsque le bourreau Charles-Henri Sanson (voir notre article) montre à la foule la tête du Roi Louis XVI qui vient d’être guillotiné.
« Je meurs innocent de tous les crimes qu’on m’impute. Je pardonne aux auteurs de ma mort. Je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe jamais sur la France» auront été ses deniers mots.
> Le cimetière des guillotinés de la Place de la Révolution
Immédiatement le corps du Roi est déposé dans la charrette du bourreau Sanson, la tête entre ses jambes.
Pendant ce temps là, comme nous le raconte Sébastien Mercier, dans son “Nouveau Paris ou Paris pendant la Révolution” « La foule s’en revint par les boulevards et la rue Saint-Honoré en causant familièrement comme au retour d’une fête. Les uns rapportaient dans de petits paquets des cheveux du roi, que le bourreau leur avait vendus ou distribués. D’autres, qui avaient trempé leur mouchoir dans le sang, y collaient leurs lèvres et disaient en ricanant : « Ah! il est bougrement salé! » Aucune altération ne se peignait sur les visages. Les cabarets étaient pleins de monde et, dans les boutiques des pâtissiers, on achetait des petits pâtés. »
Tout comme de nombreux guillotinés de la place, le cadavre du roi prend le chemin du cimetière de la Madeleine, non loin de là. Ce cimetière ouvert en 1721 est relativement récent et a déjà été utilisé pour inhumer les 132 victimes de la bousculade lors du feu d’artifice du mariage du futur Louis XVI et de sa jeune épouse en 1770 sur la place Louis XV.
Sa proximité évite de sortir de Paris pour inhumer les cadavres.
Le corps de Louis Capet est jeté au fond d’une fosse commune et recouvert de chaux vive.
Le 24 octobre de la même année, Marie Antoinette, dite la “veuve Capet” suivra ce même chemin.
Les fosses communes restent ouvertes, ce qui répand une odeur nauséabonde dans tout le quartier.
> Du cimetière au lieu de mémoire
Dès 1794, le cimetière, considéré comme insalubre, est fermé par le Comité de Salut Public.
En 1796, un riverain du cimetière, Pierre-Louis-Olivier Desclozeaux achète ce lopin de terre.
Selon les dessins retrouvés il semble y avoir établi sa maison. Il fait surtout un relevé des lieux d’inhumation et dresse une première liste des personnes enterrées.
Il devient le gardien des lieux et y accueille pendant plus de 10 années plusieurs milliers de visiteurs venus de toute l’Europe.
Après la Révolution puis l’Empire, la monarchie est restaurée en 1814.
Le frère de Louis XVI monte sur le trône sous le nom de Louis XVIII. Il cherche à raviver le souvenir du couple royal guillotiné.
Sur la bases des informations fournies par Desclozeaux, les dépouilles de Louis XVI et de Marie-Antoinettes sont exhumées le 21 janvier 1815, soit 22 ans après l’exécution du Roi et transférées à la nécropole royale de la Basilique de Saint Denis.
Des témoins de l’inhumation du Roi diront que l’utilisation intense de la chaux vive sur les corps ne pouvait assurer que les restes transférés étaient bien ceux du couple royal.
Louis XVIII pose ce jour là la première pierre de l’actuelle chapelle commémorative. Le nom d’expiatoire ne sera pas mentionné à l’époque. Le nouveau souverain souhaite que ce lieu soit un endroit de recueillement pour l’ensemble des familles des guillotinés de la Révolution ainsi que des centaines de Gardes suisses tués le 10 août 1792 lors de la prise du palais des Tuileries ou dans les prisons parisiennes dans les jours qui ont suivi .
Les travaux dureront 11 années. Quatre ossuaires hauts de 2m30 et profonds de 3 m en bois ont été murés et contiennent une grande quantité d’ossements venant des guillotinés de la place de la Révolution.
On estime à 510 le nombre de guillotinés ensevelis dans le cimetière de la Madeleine dont Charlotte Corday qui assassina Marat ou la Comtesse du Barry, ancienne maitresse de Louis XV.
> Un lieu régulièrement contesté
Depuis sa création, la chapelle expiatoire a fait l’objet de controverses politiques. Le 6 mai 1871, la Commune exige que la chapelle soit démolie mais le projet n’est jamais mis à exécution.
Jacques Libman, voisin du monument, titulaire d’un passeport américain, se fait passer pour un riche américain et propose au Directeur des Domaines de la Commune de démonter la chapelle pour la remonter aux Etats Unis.
Il demande un démontage méthodique imposant une numérotation pierre par pierre. Il présente même un “business plan” de sa future attraction touristique mais demande un contre expertise, contestant l’évaluation des domaines. Il impose des transactions sur de l’orfèvrerie afin de gagner du temps. Le 28 mais 1871 la semaine sanglante met fin à la Commune. La chapelle Expiatoire échappe à la démolition.
De 1826 à 1910, 21 projets de démolition sont déposés. Jean Jaurès est un fervent adepte de l’éradication de “l’insulte permanente à la première Révolution”.
Aujourd’hui monument historique géré par l’Etat, le lieu se visite. C’est aussi le rendez-vous annuel et traditionnel des royalistes légitimistes qui y célèbrent chaque 21 janvier ou le dimanche précédent le 21 une messe commémorative.