Le “monstre” de Ménilmontant

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Nous sommes au 53, rue de Reuilly en février 1948 et il fait un ces hivers rigoureux qu’on connaissait il y a encore quelques années à Paris.
Marie-Louise Bouquiaux est arrivée par le train de Coligny dans l’Ain où elle élève sa famille nombreuse, comme elle fait régulièrement tous les 15 jours.
Elle s’est installée à la campagne. Vous comprenez, c’est plus facile pour élever ses 9 enfants. Ca coûte cher !
Son mari Emile, ouvrier en laiterie, lui, est resté à Paris. De toute façon ça ne va pas bien dans le couple et les voisins entendent souvent des disputes.
Emile dort à l’étage et Marie-Louise a invité sa sœur et sa nièce de 14 ans à boire le café pour se réchauffer. Avec ce froid !
On discute jusqu’à 5 heures du matin puis Marie-Louise Bouquiaux monte dans la chambre rejoindre son époux.
Mais pourquoi a-t-elle emporté un grand couteau de cuisine ? Une nouvelle dispute éclate et le fameux couteau finit dans la poitrine du pauvre Emile qui passe de vie à trépas sans un cri.
Visiblement satisfaite, Marie-Louise informe sa sœur et sa nièce qu’Emile ne pourra désormais plus courir le jupon.
Mais que va-t-on faire du corps d’Emile ? Il faut le faire disparaître.
L’homme n’est pas grand : 1m53 mais il ne rentre pas dans le landau que les 3 femmes veulent utiliser pour aller le jeter dans la Seine. Qu’a cela ne tienne, Marie-Louise découpe le corps d’Emile en plusieurs morceaux qu’elle range dans des valises. La tête est déposée sur la cheminée enroulée dans du papier sulfurisé.
Les 3 femmes iront jeter les valises contenant le reste du cadavre dans la Seine du haut du pont d’Austerlitz alors que le jour se lève.
Marie-Louise mettra le lendemain la tête d’Emile dans un cabas, prendra la direction du cimetière de Thiais où reposent d’autres membres de la famille, demandera une bêche au gardien, prétextant vouloir planter des chrysanthèmes et enterra la tête de son Emile en pleine terre. Qu’il repose en paix !
Puis, elle ira tranquillement signaler sa disparition au commissariat tout en demandant à l’inspecteur, un peu surpris, si il sait quand elle pourrait toucher sa pension de femme abandonnée si son époux ne réapparait pas.
Mais un mari qui disparait, ça n’intéresse pas trop la police.

Rue de Reuilly Ménilmontant

Le crime était presque parfait puisque près de dix années s’écoulent. On approche de ces fameux 10 ans, date de la prescription lorsque la nièce, complice du crime, se dispute à son tour avec son époux et lui lâche : “Tiens, les hommes, vous devriez tous finir comme l’oncle Émile !”. Stupéfait, il presse sa femme de questions et la nièce passe aux aveux. Effrayé, l’homme ira en parler à sa maîtresse de peur qu’il lui arrive la même chose.
La maitresse en informe le commissariat et les trois femmes sont arrêtées. Marie-Louise Bouquiaux avoue le meurtre. Elle raconte tout dans le détail. Sur la disparition du cadavre : “Je me suis vue embarrassée“. Sur la découpe du corps : “On est de la campagne, on n’a pas peur, on sait découper les bêtes” .… Sur l’enterrement de la tête : “C’était plus convenable”
On fait des recherches pour savoir si on a repéché un corps dans la Seine en février 48. Et là, non seulement on en retrouve trace mais les restes récupérés ont été conservés à la Morgue. On déterre la tête, toujours emballée dans son papier sulfurisé et c’est le médecin légiste qui a travaillé sur les affaires Landru et Petiot qui est chargé d’étudier les restes du pauvre Emile.
Le procès montrera que Marie-Louise Bouquiaux persécutait son époux et que ce dernier n’avait pas la moindre maîtresse contrairement aux dires de sa femme. Le meurtre sera donc requalifié en assassinat passible de la peine de mort. Contrairement à Emile, celle qu’on dénommait désormais “le monstre de Ménilmontant” sauvera sa tête et sera condamnée à la réclusion à perpétuité.
Les journaux témoigneront qu’au médecin légiste qui, à la barre, n’avait pu s’empêcher de la féliciter pour la “qualité de sa découpe”, elle avait répondu : “c’est normal, nous à la campagne, on sait découper le cochon”.

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