Lors des fortes chaleurs, si vous ouvrez votre réfrigérateur et que vous avez oublié de mettre une bouteille d’eau au frais, vous ne vous en prenez qu”à vous. Et il vous reste peut-être des glaçons.
Mais comment faisaient nos arrière grands parents voire leurs aïeuls avant l’arrivée de la fée électricité ?
Je vous propose de découvrir deux lieux de la capitale sur ce sujet.
> La Bièvre fournit la glace à Paris
Vous prenez le métro. Sur la ligne 6 une station se nomme Glacière. En connaissez vous l’origine du nom de cette station aérienne ? Son appellation vient de la rue du même nom qui était un chemin reliant Paris à Gentilly. Il traversait un hameau du nom de Glacière lui aussi sur lequel coulait la Bièvre. Cet affluent de la Seine coule aujourd’hui en souterrain et se jette désormais dans le collecteur principal des égouts de Paris.
Les nombreuses mares et étangs de la Bièvre gelaient en hiver. La glace était récupérée et entreposée dans des puits au niveau du parc Montsouris et recouverte de terre. Cette glace était ainsi stockée l’hiver pour être utilisée l’été. On estime à 50 % la perte de glace.
Au XIXeme siècle, 40 glacières alimentent Paris.
Citons Louis de Kérazo dans l’Almanach Parisien de 1864
” On aura une idée de leur importance lorsque l’on saura que l’intérieur de la glacière est de 32, 5 mètres, et qu’elle a été divisée en dix compartiments formant des cubes de 12 mètres de côté, et contenant chacun 1 million de kilogrammes de glace, soit 10 millions pour l’ensemble ; mais comme on admet un déchet de 50 pour 100, on ne compte que 5millions livrables.
Ces chambres, placées sur deux rangs, séparées entre elles et du roc qui les enveloppe par un double mur renfermant une couche d’air isolante, sont voûtées et recouvertes d’une couche de 1 mètre 50 de terre placée au-dessus du niveau du sol. De vastes hangars s’élevant au-dessus empêchent les pluies d’humecter le sol et le soleil de l’échauffer.
Les voitures destinées au transport des glaces dans Paris sont amenées dans une chambre isolante réunissant les quatre couvertures de quatre glacières adjacentes, puis descendues au moyen d’un treuil dans la galerie elle-même.
Là ont été préparés d’avance des paniers contenant chacun 30 kg de glace, afin de pouvoir en livrer 25 ; le déchet dans le transport est évalué à un sixième.
Ces paniers sont disposés dans des voitures construites ad hoc, puis, au moment du départ, celles-ci sont extraites de la glacière et livrent au consommateur les paniers tout préparés, sans perte de temps et sans manipulation à l’air libre. Cette quantité de 25 kg. au prix de 5 fr. étant encore très considérable pour la consommation directe des habitants, on a fractionné des livraisons en paniers de 2 fr. et même de 1 fr., dans lesquels ont met 20 et 10 kg de glace. (1fr = 2 euros)”.
La ville a fixé le prix du kg de glace à 12 centimes mais elle perçoit lors du passage à l’octroi 6 centimes de taxe par kilo.
A la fin du siècle, le développement du chemin de fer va permettre à la fois le transport de pains de glace en provenance des Alpes, du Jura ou de Suisse et l’amélioration du transport des denrées fraiches comme le poisson. Citons par exemple la Société des Glacières de Paris qui acheminera ses pains de glaces depuis le lac de Sylans à côté de Nantua ou du glacier des Bossons depuis Chamonix.
> La gare frigorique de Bercy
C’est le second lieu que je souhaitais vous faire découvrir. Vous l’avez sûrement remarqué avec son enseigne “Gare frigorifique de Paris Bercy” ou Gare de la Rapée près de la porte de Charenton, quai de Bercy. Aujourd’hui désaffectée et friche industrielle pour partie, elle a pour l’instant échappé à la démolition. (voir cet excellent article)
Cette gare inaugurée en 1862 était en fait composée de deux niveaux.
La gare supérieure accueillait les voies de la Petite Ceinture, cette ligne à deux voies de 32 kms qui encerclait Paris.
La gare inférieure bénéficiait d’un environnement particulier lié à la proximité de la Seine et d’une nappe phréatique qui maintenait sa température constamment à 14 degrés. Elle est composée de 6 tunnels voutés de 320 mètres de long sur 20 de large, dotés de quais de déchargement. Un ingénieux système de monte charge hydraulique permettait une communication entre la gare inférieure et la gare supérieure. Des jeux de plaques tournantes raccordaient la gare aux entrepôts de Bercy voisins.
Si vous avez eu dans votre enfance un train électrique, ce sigle de 4 lettres inscrites sur les wagons de marchandises ne vous est pas inconnu : “STEF“. En 1922, la Société Française de Transports et Entrepôts Frigorifiques dote la gare d’installations de production du froid, afin de servir à la conservation de la viande : c’est ainsi que naît la “gare frigorique de Bercy”.
Les premiers wagons sont “réfrigérés” par des blocs de glace situés aux deux extrémités.
La gare sera abandonnée lors de la fermeture des entrepôts de Bercy en 1960.