Si vous passez rue de la Ferronnerie, tout près des Halles, baissez les yeux.
Au milieu de la rue, vous verrez une plaque commémorative encastrée dans la chaussée de la rue marquant le lieu de l’assassinat d’Henri IV. Elle est composée d’un écusson renfermant deux blasons accolés, trois fleurs de lys pour l’emblème du roi de France et des chaînes d’or, emblème du roi de Navarre.
Nous sommes le 14 mai 1610. La veille, le Roi a assisté au couronnement de la Reine, Marie de Médicis, à l’Abbaye de Saint Denis, repoussée pour des raisons financières. Ce matin, il est fatigué et a passé une mauvaise nuit. Des seigneurs lui tiennent rigueur de la paix conclue entre les catholiques et les protestants. Les relations avec Marie de Médicis sont tendues. Qu’à cela ne tienne la chasse prévue le lendemain le détendra. Il a refusé de recevoir le sieur La Brosse, médecin et astrologue qui l’implore de ne pas sortir le lendemain. Mon Dieu, j’ai quelque chose là-dedans qui me trouble fort», murmure-t-il.
Henri IV a déjà subi une vingtaine de tentatives d’assassinat. Son prédécesseur, Henri III a été tué par le moine Jacques Clément. Henri IV se sait menacé.
En début de l’après-midi, il fait atteler son carrosse. Il souhaite rendre visite à son surintendant, Sully, alité par une mauvaise grippe. Il en profitera pour voir les préparatifs de l’entrée solennelle de la Reine dans Paris. Le trajet est court, et il refuse la garde royale. Le carrosse quitte le Louvre. Pasquier qui accompagne le Roi assure qu’il a vu Henri IV se signer avant de monter dans le carrosse.
Il fait chaud et les rideaux sont ouverts. On s’engage dans la Rue de la Ferronnerie. C’est une rue très fréquentée remplie d’échoppes. Il vaut mieux parler de boyau car le passage est très étroit. Une charrette de foin et un haquet chargé de tonneaux de vin obstruent la rue. Le convoi s’immobilise devant l’auberge « Au cœur couronné percé d’une flèche » – tragique coïncidence. Certains laquais sont déjà descendus du carrosse et contournent la rue par le cimetière des innocents dont on peut apercevoir les charniers au-dessus des échoppes. D’autres tentent de maintenir à distance la foule nombreuse dans ce quartier commerçant qui a reconnu le Roi.
C’est à ce moment qu’un colosse armé d’un couteau se jette sur le Roi et lui assène deux coups dans la poitrine. Le Roi s’écrit : “Je suis blessé !”. Puis “ce n’est rien !”. Mais le second coup de couteau lui a été fatal . Un flot de sang envahit sa bouche.
On rebrousse chemin en direction du Louvre. L’assassin est ceinturé et on évite qu’il soit lynché par la foule. Il est conduit à la Conciergerie. Il se nomme François Ravaillac et a fait le chemin à pied vers Paris depuis Angoulême pour tuer le roi, volant le couteau dans une auberge.
Henri IV rend son dernier souffle en arrivant au Louvre. Hanté depuis 1606 par des visions mystiques, François Ravaillac est psychologiquement instable. Il semble avoir agi seul mais plusieurs hypothèses seront avancées et donneront lieu à de nombreux écrits.
Ravaillac est condamné à mort rapidement. Le procès, expédié en douze jours, a été bâclé. Des témoins essentiels n’ont pas été interrogés et des individus arrêtés n’ont pas été jugés.
A cette époque, le châtiment dépend du crime commis mais aussi du statut social. A part les hérétiques qui sont brulés en place publique, les faux monnayeurs, ébouillantés, le commun des mortels est pendu. Seuls les nobles ont la tête tranchée par l’épée du bourreau, privilège qui leur assurerait une mort plus rapide donc plus douce.
Mais un régicide subit un régime particulier. Jugez plutôt.
Le 27 mai, on lui fait d’abord subir le supplice des brodequins pour lui faire avouer le nom d’éventuels complices. L’accusé se retrouvait assis sur un fauteuil massif et deux solides planches de bois étaient attachées de part et d’autre de chaque jambe. On y enfonçait à coup de marteaux de gros coins pour resserrer les planches entre elles.
Conduit sur la place de Grève – l’actuelle place de l’Hôtel de Ville – le bourreau punit d’abord la main régicide en faisant couler du soufre fondu dessus. La peau, les muscles puis les tendons furent carbonisés. Des valets arrachèrent des morceaux de sa chair avec des tenailles portées au rouge. On cautérisa les plaies avec de l’huile bouillante et du plomb fondu. Enfin, on écartela Ravaillac avec 4 chevaux, un à chaque membre en s’y reprenant à plusieurs fois, allant jusqu’à remplacer un des chevaux, trop frêle. Une fois le supplice achevé, la foule qui assistait à l’exécution, devenue hystérique, dispersa ses morceaux dans la ville, le reste de son corps étant brûlé, les cendres jetées au vent.