Nous avons tous en mémoire le cortège des femmes parisiennes se rendant à pied au château de Versailles le 5 octobre 1789 aux cris de «Du pain ! Du pain!» .
Depuis plusieurs années, les récoltes sont mauvaises et les hivers rigoureux s’enchaînent. Le prix des denrées essentielles ne cesse d’augmenter.
Cette situation ne cessera d’empirer durant la Révolution.
En 1795, l’hiver est particulièrement rude. Les canaux sont gelés., le ravitaillement est compliqué. La disette croissante oblige la Convention à rationner les parisiens. Une carte de rationnement est instituée. Elle doit mentionner la composition de la famille. Chaque individu a droit à une livre de pain par jour, un ouvrier une livre et demie.
Les femmes passent une grande partie de la journée, se levant aux aurores, dans des longues files d’attente pour le pain, le bois, le charbon et la viande.
Le livre “Les animaux célèbres” (édition 1837) nous raconte l’histoire de ce vieil homme malade contraint comme beaucoup de parisiens de se procurer sa ration journalière de pain ou de viande.
Chacun attend son tour des fois depuis trois heures du matin, n’étant pas sûr d’être servi à onze heures et souvent s’en retourne sans rien, l’estomac creux.
La foule de ces affamés fait ainsi la queue dans la neige ou sous la pluie qui devant le boulanger, qui devant le boucher, se poussant et ne permettant à personne de prendre sa place.
Notre homme serait mort de faim sans le secours de son chien et à son habile stratagème. Il lui attachait au cou un petit sac noir, y mettait la “carte à la viande” et “la carte au pain” et laissait le chien jouer de malice.
Ce chien surnommé “Laqueue” par les marchands qui avaient toléré son manège ne s’embarrassait pas de la consigne de respecter son tour. Il se glissait habillement entre les jambes des hommes et des femmes et allait gratter la manche du distributeur pour bien faire comprendre pourquoi il se dressait sur ses deux pattes.
La demi-livre de viande assignée pour 5 jours était alors déposée dans le petit sac, le coupon de rationnement découpé et Laqueue avait aussi droit à un os à ronger comme gratification.
Le chien rejoignait son maître par le même chemin et recommençait son petit manège pour obtenir le quarteron de pain et l’eau de riz. Jamais Laqueue ne touchait la nourriture attendant sagement que son maître lui en accorde une portion bien méritée.