La renaissance de la Samaritaine

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La fermeture de ce magasin mythique en 2005 avait fait la une des journaux. Après 15 ans de rénovation, il a réouvert en 2021. Désormais fleuron de l’empire LVMH, ne comptez pas y faire vos achats courants, le site est désormais dédié aux touristes fortunés. Adieu l’ancien “On trouve tout à la Samaritaine”.
Mais il faut avouer que la restauration de ce lieu plus que centenaire mérite la visite. Si une façade a été complétement détruite et remplacée par une devanture futuriste en verre ondulé malgré les recours des défenseurs du patrimoine, les ouvriers des 280 entreprises françaises qui ont participé au chantier de rénovation ont réalisé un véritable travail d’orfèvre.
Les amateurs d’Art Nouveau et d’Art déco seront comblés. La Samaritaine retrouve ses couleurs d’origine, le jaune et le gris. Les laves émaillées conçues par Frantz Jourdain ont été restaurées par Maria Da Costa et reposées en façade du magasin. L’escalier central vert forêt avec ses 270 marches en chêne d’origine vous conduira sous l’immense verrière de 1000 m2 du dernier étage. Vous pourrez y admirer la célèbre fresque des paons qui avait été entièrement recouverte de peinture blanche dans les années 80. Ce chef d’œuvre de 424 m2 repartis sur 336 panneaux, attribués à Francis Jourdain, a été soigneusement démonté, restauré et réinstallé.

La Samaritaine rénovée

Mais surtout, lors de votre visite, ne manquez pas de vous arrêter devant les nombreuses photos exposées dans les étages. Elles sont dues à Pierre-Olivier Deschamps qui a suivi les travaux titanesques du chantier et Vladimir Vasilev qui met en valeur les peintres, doreurs, décorateurs, ferronniers … – toutes ces petites mains qui ont permis de redonner à la Samaritaine son éclat d’antan. On ne doute pas qu’Ernest Cognacq, le père de la Samaritaine aurait apprécié cette restauration.

Les laves émaillées de l’extérieur de la Samaritaine

L’aventure avait commencé en 1870. Ernest Cognacq est calicot – on appelle ainsi les vendeurs de nouveautés pour clientèle féminine. Sous son parapluie rouge, il est installé dans une “corbeille” du Pont Neuf, là où se tenait la “Samaritaine”, cette pompe mécanique voulue par Henri IV et qui alimentait en eau les bassins et fontaines du Louvre. Elle sera détruite en 1813.

Vue du pont neuf depuis le Pont aux Changes . On distingue la pompe “la samaritaine” et les boutiques encastrées dans les corbeilles du Pont ( dessin Victor-Jean Nicolle 1779)

Ernest Cognacq ouvrira son premier magasin sur les quais juste en face dans l’annexe d’un café qu’il fréquentait. La “Samaritaine” est née.
Celle qui deviendra son épouse peu de temps après, Marie-Louis Jaÿ, arrivée de Samoëns en Haute Savoie, est première vendeuse au rayon des confections du Bon Marché. Le couple, doté de la bosse du commerce , d’un don d’anticipation et du sens de l’entreprise va développer cette affaire très rapidement. De 48 m2 en 1870, le magasin passe à plusieurs centaines de m2, quatre ans plus tard. Le commerce prospère et en 1900 ouvrent les Grands Magasins de la Samaritaine. C’est novateur : le magasin est organisé en rayons gérés par de petits patrons responsables et autonomes.
Le développement du machinisme dans le textile, l’arrivée du chemin de fer ont permis l’ouverture de grands magasins qui proposent désormais du prêt à porter et bien d’autres articles. La Belle Jardinière, Aux Trois Quartiers, Au Bon Marché attirent des foules de curieux qui peuvent réaliser tous leurs achats en un seul endroit.

À cette heure dernière, au milieu de cet air surchauffé, les femmes régnaient. Elles avaient pris d’assaut les magasins, elles y campaient comme en pays conquis, ainsi qu’une horde envahissante, installée dans la débâcle des marchandises. Les vendeurs, assourdis, brisés, n’étaient plus que leurs choses, dont elles disposaient avec une tyrannie de souveraines.

Emile Zola, Au Bonheur des Dames, 1883.

Le couple Cognacq-Jaÿ poursuit les acquisitions d’immeubles adjacents. En créant ses propres maternité et maison de retraite, il pratique une politique de patron paternaliste social en s’attachant son personnel du berceau au cercueil.
Au décès du couple, il n’y a pas d’héritier mais la Samaritaine reste dans la famille et deviendra le grand magasin de Paris le plus important avec 48.000 m2. Il sera cédé au groupe LVMH en 2001.
Marie-Louis Jaÿ nous laisse son magnifique jardin botanique alpin à Samoëns “la Jaÿsinia” qu’elle a légué au Jardin des Plantes.

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