Ce petit objet en forme de chaussure d’une vitrine du Musée Carnavalet (voir notre article) m’avait intrigué lors d’une de mes visites. Je rappelle que ce magnifique musée qui retrace l’histoire de Paris est gratuit. N’hésitez donc pas à y aller et à y retourner.
N’en déplaise aux pécheurs à la truite, nous ne parlerons pas ici des boîtes où ces passionnés rangent leurs appâts, mais bien d’une tradition qui avait cours dans la bourgeoisie sous le règne de Louis XIV et Louis XV.
Revenons à notre objet.
Il s’agit en fait d’une boîte où les “précieuses” rangeaient leur “mouche“, un petit rond de tafferas ou de velours noir imitant le grain de beauté que les femmes se mettaient alors sur le visage ou sur le décolleté.
Mais faisons d’abord un retour en arrière, à l’époque du Moyen-Age, sale temps pour les mouches, jugez plutôt.
Etre doté d’un grain de beauté, c’est l’assurance d’être traqué par les Gardes du Roi, torturée et brulée vive sur la place du village pour sorcellerie. Ces tâches étaient considérées par l’Eglise comme des points d’entrée du diable dans le corps. Certaines femmes se les brulaient au fer pour les faire disparaître.
Les ravages de la variole feront apparaître les premières mouches pour dissimuler les traces de la maladie.
Mais c’est sous Louis XIV et Louis XV que la mode envahit la Cour. Le teint clair des femmes de la bourgeoisie est mis en relief par ces petits objets d’apparat.
La mouche est dénommée aussi “la Tâche Avantageuse“. Il est de bon ton de mettre ces boîtes à mouches dans la corbeille de la mariée. Il existait d’ailleurs une boutique spécialisée rue saint Denis : “A la perle des mouches“. Y officiaient les “faiseurs de mouches“.
Dans une lettre écrite en vers par un auteur anonyme en 1661, “la Faiseuse de mouches”, on apprend que cette mode prend son origine dans les amours de Vénus : alors que les mouches se posent sur le visage de Vénus et qu’elle s’apprête à les chasser, Mercure l’en empêche lui avouant que cela sied particulièrement à son teint.
Une femme de bon rang ne pouvait avoir moins de 5 mouches sur elle, une femme modeste, 3. Certaines femmes en portent jusqu’à 15 sur elle, sur leur décolleté ou leur visage.
Instrument de séduction, un véritable langage de la mouche s’était instauré selon la position où elle est collée.
Sous Louis XV, les mouches seront plus petites et prendront des formes originales : une étoile, un croissant voire une mouche, l’animal. Juste retour des choses.