Mata Hari, l’espionne sacrifiée

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Mata Hari dans son spectacle "danses brahmatiques" en 1905

Marghareta Gueertruida Zelle naquit le 7 août 1876 dans le nord des Pays-Bas. Son père, chapelier, se prétend baron et a la folie des grandeurs. Le jour de ses 6 ans, il offre à sa fille un carrosse de princesse tirée par des chèvres. Il fera peu de temps après faillite à la suite d’un placement douteux et abandonnera le domicile familial. La mère de Marghareta meurt peu après et la jeune fille est mise en tutelle chez son oncle. Elève moyenne, elle excelle néanmoins dans les langues étrangères mais elle se fera exclure de l’école pour sa relation avec le directeur de l’établissement. Déjà femme fatale ?

A 18 ans, ayant répondu à une annonce matrimoniale elle épouse un officier noble de la marine néerlandaise âgé de 20 ans de plus qu’elle. Le couple part s’installer dans les Indes néerlandaises et a deux enfants, un garçon et une fille. Elle se passionne pour les danses hindoues qu’elle pratique sous le nom de “Mata Hari” qui signifie “œil du jour” ou “soleil levant“. Mais les deux enfants sont empoisonnés. Seule la fille en réchappe. Cette affaire ne sera jamais élucidée. On évoque une vengeance d’un domestique ou du mari de la bonne dont le mari était l’amant.
Le couple ne résiste pas à cette épreuve. Le mari réussit à conserver la garde de l’enfant.

> Le succès

En 1903, Marghareta débarque à Paris.
Nous sommes au temps de la Belle Epoque, de la révolution industrielle et des expositions universelles, du métropolitain et de la Tour Eiffel.
Elle n’a pas un sou mais s’installe dans un palace à deux pas de l’Opéra, le Grand Hôtel sous le nom de Lady MacLoed.
Qui se permettrait de lui demander d’avancer le prix de la chambre ? Le jour même de son arrivée, dans le hall de l’hôtel, elle rencontre un marchand de vin avec qui elle batifolera pendant 3 semaines, le temps qu’il prenne en charge ses frais. Elle le quitte le jour où il la demande en mariage.

“Elle n’est pas jolie, elle est pire” dira d’elle Victor Hugo.

Marghareta se fait recruter par Ernest Molier du “Nouveau Cirque” de Passy. Elle y présente un numéro d’écuyère mais c’est lors d’une soirée début 1905 qu’elle réalise, à l’invitation d’Emile Guinet, une danse où elle finit presque nue. Le public est bouche bée. “Mata Hari” est née. Le strip-tease aussi !
Son spectacle des “danses brahmaniques” défraie la chronique. Citons le “Paris illustré” du 2 mars 1905 :
” Alors Mata-Hari, d’un geste brutal, arrache à la fois ses ornements, déchire ensemble tous ses voiles. Elle les sème sur le sol froid, parmi ses bijoux éteints et les pétales des roses mortes. Puis, nue, démesurément grandie et blanche, elle s’allonge immensément, toute droite dans les ténèbres! “.
Son effigie orne désormais les cartes postales, les boites à biscuits et les paquets de cigarette. C’est le succès.

Photo de Mata Hari Editeur inconnu Bibliothèque Marguerite Durand 1900


Gabriel Astruc, le célèbre impresario de la Belle Epoque la prend sous son aile. Mata Hari est à l’affiche de l’Olympia où son cachet est de 10.000 francs par soirée (25.000 euros). Elle dépense sans compter, achète un hôtel, se produit à Monaco, à Madrid, à Vienne, à la Scala de Milan.
En 1907, elle vit une romance avec Alfred Kiepert, un riche officier prussien qu’elle suit à Berlin. Mais elle se languit de Paris.
Or, d’autres célébrités ont désormais les faveurs des soirées parisiennes. Colette se met à nu aussi. Sarah Bernard ou Isadora Ducan font partie des vedettes de l’époque et ont tôt fait oublier Mata Hari.
Marghareta vit au dessus de ses moyens et devra se séparer de son hôtel particulier. Elle finira par se prostituer dans des maisons closes où l’on peut s’offrir la “princesse javanaise” pour 1.000 francs.

> L’agent H21

Mata Hari se trouve en Allemagne quand le guerre est déclarée. Elle ne peut repasser la frontière. On lui confisque ses affaires et on l’envoie aux Pays-Bas, à La Haye.
C’est alors qu’elle est contactée par le Consul d’Allemagne, Carl Kramel qui lui propose d’espionner la France pour le compte de l’Allemagne. Mata Hari a un profil intéressant. Elle est polyglotte et n’a-t-elle pas eu une relation régulière avec le ministre de la Guerre français, Adolphe Messimy ?
Le Consul propose 20.000 francs pour cette mission et assure que l’Allemagne saura se montrer généreuse si les renseignements communiqués sont de valeur.
Mata Hari ne prend guère son rôle au séreux et transmet des informations ramassées dans la presse.
Les Allemands l’envoient néanmoins dans un centre de formation pour espions à Cologne mais sa responsable, Fräulien Doktor dira d’elle “Cette demi-mondaine ne nous attirera que des ennuis“.
Mata Hari, au nom de code “H 21″ n’échappe pas aux radars du contre espionnage français. Son chef, Georges Ledoux la reçoit dans son bureau et lui propose d’aider la Franceà démasquer des espions. Elle percevra 25.000 francs par tête dénoncée. Mata Hari refuse mais soumet à Ledoux un autre plan : elle se rendra en Belgique au commandement allemand et fournira à la France des informations en échange …. d’un million de francs. Ledoux accepte mais aucune fiche de mission n’est enregistrée. La manipulatrice est manipulée.
Mata Hari veut se rendre en Belgique en passant par l’Espagne, route plus sûre mais se fait intercepter par les anglais à qui elle s’affiche comme espionne au service de la France. Elle fricote avec les militaires alliés, et elle séduit un attaché militaire allemand, le major Kalle.
Très mauvaise espionne elle le presse de questions indiscrètes. Kalle se braque, avertit sa hiérarchie. La décision est prise de se débarrasser de “H21“. Un message transcrit avec un codage que les Allemands savent connus des Français est émis et aussitôt intercepté par les antennes de la Tour Eiffel. H21 est mentionné dans le message, et même le nom de la gouvernante de Mata Hari.

> Le piège se referme

Le 3 janvier 1907, elle rentre à Paris croyant avoir accompli sa mission avec succès mais elle est arrêtée dans la chambre de son palace. La légende raconte qu’elle aurait reçu les policiers dans le plus simple appareil.
Lors de l’instruction, elle reconnaîtra avoir transmis des informations aux allemands. Elle n’a en fait communiqué que des secrets de polichinelle..
Lorsque son procès se déroule, la France est traumatisée par le Chemin des Dames et Verdun. On fusille à tour de bras pour les mutineries qui sont nombreuses dans l’armée.
L’intransigeant écrit “ L’affaire Mata Hari est une des plus graves – la plus grave peut-être – de toutes les affaires d’espionnage que les tribunaux de guerre ont eu à juger”.
Tous les témoins la lâchent. De quelles circonstances atténuantes peut bénéficier une ancienne fille de joie ? Son avocat – et ancien amant, ne peut lui éviter le poteau d’exécution.

> Une exécution bien venue

Ce sera pour le 15 octobre 1917 au polygone de tir de Vincennes.
Elle y apparait coiffée d’un grand canotier à voilette, vêtue d’une robe bleue avec des gants très longs. Elle refuse qu’on lui bande les yeux. “Je veux voir” dit-elle. Elle lance à la foule : “Que de monde ! Quel succès ! Ah, ces français !”.
Elle aurait lancé un baiser aux soldats. Trois balles l’atteignent en plein cœur. Elle meurt sur le coup.
Personne ne réclamera ce corps qui fut pourtant si désiré. Il sera remis à la faculté de médecine.

Article du 15 octobre 1917 du journal l’Intransigeant

Condamnée pour “intelligence avec l’ennemi en temps de guerre“, Mata Hari aura surtout voulu manger à tous les râteliers. Elle sera décrite par le journaliste Russel Warren Howe comme “une naïve “cocotte” manipulée par les services secrets” .

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