On dansait dans les bateaux-lavoirs près du Pont-Neuf

You are currently viewing On dansait dans les bateaux-lavoirs près du Pont-Neuf
Le Bal dans le Bateau-Lavoir (le monde illustré 30/12/1899)

Depuis plusieurs années d’importants efforts sont faits pour améliorer la qualité de l’eau de la Seine.
Si, il y a 40 ans, on n’y dénombrait que deux espèces de poissons, aujourd’hui elles sont plus de 40. Truites, anguilles, lamproies, et aloses reprennent possession du fleuve.
La baignade y sera autorisée après les Jeux Olympiques.
La mode des bains dans la Seine apparaît au milieu du XVIIe siècle le long du quai Sully. Particularité, on s’y baigne nu, pratique qui sera rapidement interdite.

le bateau-lavoir (Johan Barthold Jongkind- 1850)

Plus tard des bateaux amarrés, précurseurs des piscines flottantes, proposeront des bains froids puis des bains chauds avant d’être détrônés par les bâtiments des bains-douches qui vont fleurir dans tout Paris.
Jusqu’au début du XXe siècle, il n’était pas rare de trouver sur les quais des laveurs et tondeurs de chiens professionnels qui les baignaient pour leur faire un brin de toilette.

Si, depuis des siècles les lavandières lavaient le linge dans la Seine, une institution va naître avec les bateaux-lavoirs.

> Le bateau-lavoir, un véritable lieu de vie

Que ce soit les lavandières professionnelles ou les femmes qui ne disposent pas encore de l’eau dans leur logement, elles sont nombreuses à utiliser les bateaux-lavoirs. Elles s’y retrouvent régulièrement.
Dès l’entrée du bateau, le gérant trône derrière son guichet et remet à chaque lavandière qui arrive un jeton pour un seau d’eau chaude, un bol de javel ou pour utiliser les machines d’essorage.
Les pains de savon sont soigneusement rangés sur les étagères.
Le gérant ne quitte jamais le bateau. Il y vit dans une petite pièce aménagée derrière son bureau.
L’équipage du bateau-lavoir est composé d’un mécanicien chauffeur, d’un charpentier et de deux garçons de lavoir qui se chargent de la propreté du lieu.

Lavandières de la Seine (Andres de Santa Maria 1887)

Une fois passée le guichet du gérant, on arrive dans la “batterie” ou les lavandières battent le linge
Ces bateaux-lavoirs sont aussi un formidable lieu de vie.
Le matin, la vendeuse de café au lait vend son bol deux sous. Puis ensuite défilent la marchande de journaux, la marchande de fils et le marchand de légumes, de poissons ou de poulets. Cela évite aux lavandières très occupées de faire leurs courses.

Eté comme Hiver, les mains dans l’eau

Une cantine fonctionne même dans le bateau-lavoir. On y propose du pain, des charcuteries, du vin et des liqueurs.
Des chanteurs viennent égayer le bateau. Les lavandières reprennent en chœur le refrain de ces chansons populaires dont elles peuvent acheter les textes et les populariser dans leur famille.
La vie à bord des bateaux-lavoirs n’est donc pas morose. Souvent on y danse la polka.
A l’étage du bateau-lavoir se trouve un vaste séchoir ainsi que les essoreuses. Ces imposantes machines évitent le “tordage” du linge mais certaines lavandières refusent de les utiliser car elles useraient le linge.

L’essoreuse (le monde illustré 30/12/1899)

On verra d’ailleurs plus loin dans le petit film de l’INA la réticence des lavandières lors de l’arrivée des machines à laver.

> Les mariniers veulent la mort des bateaux-lavoirs

Ces bateaux-lavoirs ont été souvent critiqués dans les colonnes de la presse du XIXème siècle.
Déjà les mariniers demandaient leur démantèlement car selon eux, ils gênaient la circulation. Il faut dire que Paris accueillait un trafic important y compris de bateaux à vapeur faisant la liaison entre Paris et Londres.
Dans le “XIXe siècle” du 22 mai 1886, le journaliste écrit : “« Depuis lors, on ne songeait plus à taquiner les lavoirs flottants, quand, au mois de septembre dernier, la création des “bateaux-express”, qui contribuait à augmenter l’encombrement des rives du fleuve, amena les ingénieurs de la navigation à proposer une seconde fois la suppression de ces établissements incommodes.

On leur reproche aussi la pollution engendrée par les produits de lavage. Les bains froids situés en aval se plaignent.
Plusieurs décrets officiels visant leur disparation seront contestés devant le Conseil d’Etat par les propriétaires des bateaux-lavoirs. Déjà celui leur interdisant de procéder à des réparations, ce qui les condamnaient à court terme.
Les préfets hésiteront à appliquer les décrets votés et c’est finalement le gouvernement de Vichy qui décidera de leur démantèlement à Paris.
Les bateaux-lavoirs continueront à exister en Province, comme le montre ce reportage à Laval. Nous sommes pourtant en 1970.

Cliquez sur l’image pour visionner le film de l’INA
les deniers bateaux-lavoirs à Laval (la vie en France 1970)

> La machine à laver entre dans les foyers

L’avènement de la machine à laver électrique qui va envahir progressivement les foyers condamne irrémédiablement les bateaux-lavoirs.
La création de la machine à laver date de 1898 : le constructeur français Flandria fabrique la “Barboteuse”.
C’est un tonneau en bois muni d’un mécanisme qui était actionné par une manivelle pour permettre au linge de frotter sur les parois de la machine.

“la Barboteuse” 1898

En 1907, l’ingénieur américain Alva John Fischer met au point “Thor”, la première machine automatique qui fonctionne avec un moteur électrique. C’est en 1920 que la machine se perfectionne : elle est désormais équipée d’un moteur à deux vitesses, une lente pour le lavage et une rapide pour l’essorage.
En 1960, la dimension de la machine se réduit. Elle s’alimente désormais par le dessus. Les programmateurs intègrent les nouveaux modèles. Dès 1967, près de 50% des foyers français possèdent un lave-linge. Dix en plus tard en 1977, près de 75% des ménages en seront équipés.

Laisser un commentaire