A la gloire de nos Poilus à 4 pattes

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Dans chaque village, les longues listes de noms des monuments aux morts de la Guerre de 14-18 nous rappellent combien chaque famille a été touchée.
Cette Première Guerre Mondiale a fait presque 10 millions de morts soit environ 6.000 morts par jour.
En nombre de combattants tués, proportionnellement, la France est la plus touchée : 1,45 million de morts et de disparus. Les gaz toxiques et les obus ont fait 1,9 million de blessés, souvent graves, soit 30 % de la population active masculine (18-65 ans), la plupart des hommes jeunes de 17 à 45 ans, qui n’auront jamais d’enfants.

Le mardi 30 janvier 2024, dans le square Boucicaut situé dans le VIIe arrondissement, la ville de Paris vient de rendre hommage à une autre catégorie de victimes de cette guerre : les animaux.
Ils ont été 14 millions à mourir sous les obus.
Le monument se compose de silhouettes bleu horizon – la couleur de la tenue des Poilus – d’un cheval, d’un âne, d’un chien et d’un soldat tenant un pigeon.

Monument à la gloire des animaux qui ont servi la France pendant la Première Guerre Mondiale

> Après les hommes, la France réquisitionne les animaux

En août 1914, la France mobilise plus de 1,5 million de chevaux.
Malgré les lettres de doléances des maires des campagnes qui se demandent comment seront faits les moissons et les travaux des champs, le ministère de la guerre réquisitionne un cheval sur 4.

Ordre de Mobilisation des Chevaux

Il faut dire que la cavalerie occupe une place importante dans l’armée française.
Chevaux, ânes et mulets sont nécessaires pour le transport du matériel.
Très vite, ils tireront les charrettes sanitaires des blessés vers les centres de secours et seront essentiels pour acheminer le ravitaillement sur le front.
A Paris, chevaux, ânes et mulets étaient regroupés Avenue de l’observatoire, dans le 6ème arrondissement et dans le 7ème, à la Caserne Latourg-Maubourg aux Invalides, Angle avenue Bosquet et quai d’Orsay devant le cabaret Magic City, aujourd’hui disparu. 
Un vétérinaire examine les chevaux qu’il juge apte au service pour «la selle» ou pour «le trait». L’animal enrôlé reçoit un numéro de matricule marqué au fer sur le sabot antérieur gauche, et quand son affectation est décidée, la marque du régiment est tatouée sous la crinière ou la fesse droite.

Avenue de l’Observatoire, lieu de réquisition des chevaux, ânes et mulets.

Les belligérants savaient combien leur rôle était important et sur le champ de bataille. Les chevaux étaient souvent les premières victimes des tirs.
Lorsqu’ils étaient blessés au combat, des vétérinaires étaient chargés de les soigner. Des hôpitaux leur étaient dédiés comme l’hôpital des ânes de Neuville-lès-Vaucouleurs, près de Verdun. Mais une fois rétablis, ils étaient renvoyés au front. Ainsi, presque tous les animaux utilisés pendant la Grande Guerre ont été tués au combat.
Les bêtes étaient, comme les soldats, équipés de masque à gaz.

Ane équipé de masque à gaz

> les pigeons des transmissions

Des animaux n’avaient pas été réquisitionnés car ils faisaient déjà partie des troupes en quelque sorte. C’est le cas des pigeons.
Pour les commémorer, trois sont empaillés au colombier militaire du Mont Valérien, à Suresnes.
Parmi eux figure le pigeon Vaillant qui a été décoré de la Croix de guerre 1914-1918.
Lors du siège du fort de Vaux en 1916, les communications téléphoniques sont coupées et le commandant Sylvain Raynal ne dispose que de quatre pigeons voyageurs. Vaillant est le dernier à s’élancer et le seul à être parvenu à transmettre son SOS :

“Nous tenons toujours mais nous subissons une attaque par les gaz et les fumées très dangereuses.Il y a urgence à nous dégager. Faîtes nous donner de suite communication optique par Souville qui ne répond pas à nos appels. C’est mon dernier pigeon.
Raynal”

Vaillant traversera bien les lignes mais il a été lâché au moment où les bombardements étaient les plus intenses. Il mettra plus de 15 heures pour arriver à destination. Il mourra d’ailleurs peu après, intoxiqué par les gaz.

> Les chiens de guerre

Contrairement aux Allemands, la France ne compte que peu de chiens dans l’armée. Seul le 19ème bataillon de chasseurs part en campagne avec six chiens de liaison. Ils seront tous tués et ne seront pas remplacés.
En 1915, le Ministre de la Guerre, Alexandre Millerand, décide la création du « Service des chiens de guerre ».
Environ 3.000 chiens sont recrutés dans les fourrières et à la SPA. Près de 900 chiens de traîneaux sont rapatriés d’Alaska et du Canada pour intervenir en zones montagneuses. La moitié ne reviendra pas de la guerre.
Dans l’Armée Française, tout comme le soldat, le chien de guerre possède un état civil, un livret militaire, une plaque d’identité, et un équipement.

Chiens de garde” ou “chiens de ronde“, ils avertissent les soldats de l’arrivée de l’ennemi. “Chiens de liaison” ou “chiens estafette“, ils transmettent les messages. “Chiens de trait“, ils tirent des petits canons ou des charrettes de ravitaillement. “Chiens sanitaires” ou “chiens ambulanciers“, ils sont chargés de retrouver les blessés ou de les transporter.

> L’histoire du chien “Vitrier”

Boulevard Raspail dans le quartier Saint Thomas d’Aquin, un chien est retrouvé le 24 août 1914, très affaibli. Il porte une plaque du 26e bataillon de chasseurs cyclistes. Le gardien de la paix qui le recueille en conclut qu’il arrive du front où il a probablement perdu la trace de sa troupe.
L’article du 26 août 1914 du Journal nous en dit plus :

“Un gardien de la paix a amené avant-hier soir à la fourrière un épagneul au long poil noir qu’il remit au greffier en disant :

— Celui-là, ce n’est pas un client ordinaire, c’est le « cabot » du 26eme chasseurs ; il faut y faire attention.

Ce chien porte, en effet, sur son collier cette inscription : « 26eme bataillon de chasseurs cyclistes. »
Il fut trouvé un de ces derniers soirs boulevard Raspail ; il était crotté, poussiéreux, harassé. l’agent du septième arrondissement qui l’examina n’hésita pas, en voyant L’inscription du collier, à l’emmener chez lui ; il lui donna une copieuse pâtée et l’hospitalisa pour la nuit.
Au matin, le brave agent emmena « Vitrier » — c’est ainsi qu’il avait baptisé le cabot – au bord de la Seine, où un baigneur de chiens le débarbouilla et en fit une bête présentable.
Le gardien, esclave du règlement, conduisit « Vitrier » au bureau de police de Saint Thomas d’Aquin et fit sa déclaration à M. Lacambre, le commissaire de police.
Le magistrat autorisa provisoirement l’agent à garder le bon toutou et commença un échange de notes officielles pour retrouver le 26eme chasseurs cyclistes.

La place apprit que le bataillon était régulièrement à Vincennes, mais là on sut que depuis huit jours les chasseurs avaient enfourché leurs bécanes et avaient pris la direction de la frontière.
Les chasseurs réservistes ne connaissaient pas le cabot du bataillon, et pour le moment, prêts à partir, ils avaient, du reste, d’autres chiens à fouetter.
Comment « Vitrier » a-t-il perdu le bataillon ?
Il n’a pas été abandonné, c’est certain.
Peut-être le pauvre chien, affolé par la fusillade, désemparé, perdu, est-il revenu de là-bas à Paris, guidé par son instinct; l’état de fatigue dans lequel il se trouvait autorise cette supposition.
Quoi qu’il en, soit, il ne faut pas que « Vitrier » reste à la fourrière et subisse le sort réservé aux pauvres chiens perdus.
Il faut que quelqu’un.se charge du cabot du 26e chasseurs cycliste.”

Plus de la moitié des 10.000 chiens de guerre seront tués.
Ils seront eux aussi démobilisés en novembre 1918.
Certains retrouveront leur maitre d’origine, d’autres seront abandonnés dans les refuges ou abattus.
Quelques uns seront rééduqués en chien d’aveugles ou en chiens de trait pour tirer les petites charrettes des poilus qui ont perdu l’usage de leurs jambes.


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