Notre capitale recense plus de 6.000 rues. Et cela sans compter les rues disparues, celles qui datent d’avant les travaux titanesques du baron Haussmann ou même du fin fond du Moyen Age.
Vous les empruntez pour vous orienter dans les divers arrondissements de Paris, soit selon un itinéraire bien déterminé à l’avance soit au gré de vos humeurs, charmé par l’originalité de leur nom.
De nombreuses rues ont traversé les siècles et gardent le nom d’un métier disparu, d’un évènement particulier qui s’y est déroulé ou d’une spécificité du lieu.
C’est au Moyen Age que les noms de rues apparaissent. Leur nom leur est donné soit par les lieux qu’elles désservent (rue du Fort, rue de l’Abattoir) soit par leur emplacement (Rue des Vignes). Au XVIIème siècle, cet aspect fonctionnel change pour prendre plutôt le nom d’un personnage célèbre ou d’un notable (Rue Molière, Rue Colbert).
Sous la Révolution, elles célèbrent les valeurs du moment (Rue de la Liberté, Avenue de la Nation). Sous l’Empire, ce sont les noms des batailles qui sont choisis ou des personnages militaires (Rue Masséna, Place Austerlitz). De nos jours, il n’y a plus de règle.
Heureusement, nous ne sommes pas tombés dans le travers de désigner nos rues d’un numéro comme cela se fait aux Etats Unis et dans de nombreux pays. Certes cette méthode rend plus facile la recherche d’une adresse mais avouez que nous perdrions le charme de ces fameux noms de rues.
Savez vous que depuis la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, même la plus petite commune doit donner un nom à ses rues. C’est le conseil municipal qui, sur délibération, valide cette nomenclature.
Tous les habitants peuvent faire une proposition qui, pour qu’elle soit inscrite à l’ordre du jour, doit être signée par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales de la commune.
A Paris, ce sont les arrondissements que les habitants connaissent par leur numéro.
Tout le monde sait qu’ils sont numérotés à partir du centre de Paris (le 1er) et se suivent sous la forme d’un escargot jusqu’au périphérique.
Mais savez vous que chaque arrondissement a son nom propre, à mon sens trop peu connu ?
- 1er arrondissement : Louvre
- 2e arrondissement : Bourse
- 3e arrondissement : Temple
- 4e arrondissement : Hôtel-de-Ville
- 5e arrondissement : Panthéon
- 6e arrondissement : Luxembourg
- 7e arrondissement : Palais-Bourbon
- 8e arrondissement : Élysée
- 9e arrondissement : Opéra
- 10e arrondissement : Entrepôt
- 11e arrondissement : Popincourt
- 12e arrondissement : Reuilly
- 13e arrondissement : Gobelins
- 14e arrondissement : Observatoire
- 15e arrondissement : Vaugirard
- 16e arrondissement : Passy
- 17e arrondissement : Batignolles-Monceau
- 18e arrondissement : Buttes-Montmartre
- 19e arrondissement : Buttes-Chaumont
- 20e arrondissement : Ménilmontant
Vous noterez – mais certainement le saviez-vous – que le Bois de Vincennes et le Bois de Boulogne, bien que situés à l’extérieur de la limite du périphérique, sont rattachés respectivement au 12ème et 16ème.
> La Rue Brise-Miche
Et comme il fallait bien commencé par un nom de rue insolite, je vais citer la rue Brise-Miche. Des esprits mal tournés feront immédiatement un lien avec l’activité nocturne et malheureusement aussi trop souvent diurne qui se déroule dans ces deux bois.
Et bien évidemment, il n’en est rien.
Cette rue située dans le 4eme arrondissement était en fait une impasse qui se terminait dans l’ancienne rue Taillepain. La miche, c’était le nom d’un gros pain d’une ou deux livres.
Dans le livre de Jean-Marie Cassagne intitulé “Paris Dictionnaire des noms de rues” vous découvrirez de nombreux secrets sur ces noms de rues. Je vous le conseille bien qu’il soit de plus en plus difficile à trouver.
> La Rue des Boulets
Les habitués de la ligne de métro numéro 9 connaissent son nom par la station qui précède celle de Nation.
Il s’agissait d’un lieu-dit dénommé Les Basses Vignobles et le nom de cette rue situé dans le 11eme arrondissement serait dû aux nombreux boulets échangés ici entre les Huguenots et les Catholiques pendant les guerres de religion du XVIème siècle.
> La Rue des Deux Boules
Décidemment, en voilà encore un nom de rue bien surprenant !
Nous sommes pourtant dans le 1er arrondissement de la capitale et rien à voir avec le cabaret érotique le théâtre des Deux Boules, Rue des Ecoles (5e arrondissement) fermé en 1975.
Au XIIème et au début du XIIIème siècles, cette rue était nommée Rue Mauconseil ou Rue Male-Parole en raison de la présence de voleurs qui se réunissaient à proximité. Elle s’appellera ensuite Rue Guillaume Porée dit des Deux Boules du nom d’un particulier qui y demeurait et, enfin, «rue des Deux Boules».
> La Rue du Chat qui pêche
Non loin du Caveau de la Huchette, dans le 5eme arrondissement, se cache la rue la plus étroite de Paris avec son 1,80 m de large pour 26 m de long.
Créée en 1540, elle débouchait directement sur la Seine.
Elle tient son nom d’une échoppe qui s’y trouvait, tenue par un chanoine selon les uns, alchimiste selon les autres : Dom Perlet.
L’enseigne a aujourd’hui disparu. (N’hésitez pas à vous rendre d’ailleurs au musée Carnavalet qui possède une magnifique collection de 200 anciennes enseignes de Paris).
La légende raconte que Dom Perlet avait un chat noir au pouvoir extraordinaire.
Il lui suffisait de taper sa queue sur les bords de la Seine pour attirer ainsi de nombreux poissons qu’il n’avait ensuite qu’à pêcher.
Trois étudiants, croyant que le diable se cachait dans le chat et Dom Perlet qui, selon eux, n’étaient que la même personne, jetèrent le chat maudit dans la Seine.
L’homme disparut alors et les trois compères se réjouirent.
Mais quelques temps plus tard il réapparut avec son chat.
> La Rue de la Brèche aux Loups
Cette rue est situé dans le 12ème arrondissement de Paris.
Il s’agissait d’un lieu dit. La “brèche” c’est un passage dans une haie.
Dans ce vallon qui se trouvait autrefois loin de Paris, les loups apparaissaient souvent, notamment lors des hivers rigoureux. Le Nouveau dictionnaire historique de Paris / par Gustave Pessard évoque que les loups allaient jusqu’à Chatelet pour trouver de la nourriture.
Vous vous souvenez certainement de la chanson de Serge Reggiani : “les loups sont entrés dans Paris”. En plein XVe siècle, quatre fois au moins, les loups entrèrent dans Paris. Semant la terreur et la mort, ils pénétrèrent jusque dans le quartier des Halles.
“… en ce temps venaient les loups dedans Paris par la rivière et prenaient les chiens, et si mangèrent un enfant de nuit en la place aux Chats derrière les Innocents. »
Le Journal d’un Bourgeois de Paris Colette Beaune 1405
> La Rue de la Grande Truanderie
Le nom de cette rue du 1er arrondissement est trompeur car le mot “truand” ne signifiait pas la même chose qu’aujourd’hui. Il désignait alors un vaurien, un vagabond qui mendiait par fainéantise. la “truanderie” est devenu le lieu où l’on rencontrait diseuses de bonne aventure, voleurs à la tire, gueux et désœuvrés. On retrouve cette expression en anglais dans “to play truand” qui signifie “faire l’école buissonnière“.
Je vous renvoie d’ailleurs sur un ancien article sur la cour des miracles.
La rue de la Petite Truanderie aboutit dans cette rue. On y trouvait des tire-laine (voleurs de manteaux) et des tire-goussets. Elle fût appelée aussi Rue du Puit d’Amour car à l’angle des deux rues se trouvait un puit dans lequel se jeta Agnès Hellebic au XIIème siècle, désespérée par la trahison de son amant.
> La rue des Degrés
Terminons ce petit tour de quelques rues de la capitale par celle qui est la plus courte.
Elle ne fait que 5,75 m de long et n’est constituée que d’un escalier. Aucune porte et fenêtre ne bordent ses côtés. Les casse-cous peuvent même la franchir sans poser un pied par terre, en glissant sur la rambarde.