Mentir comme un arracheur de dents

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L'arracheuse de dents Estampe Jean Veber '(1868-1928)

Voilà une expression populaire dont il est facile d’en comprendre l’origine.
Le Pont Neuf était devenu au XVIIIe siècle un lieu de promenade des parisiens. Pour Louis-Sébastien Mercier “il est dans la ville ce que le cœur est dans le corps humain” .
Sur le parapet du pont, on trouve les “estaleurs” ces ancêtres de nos bouquinistes (voir notre article) et les rues sont encombrées par les marchands ambulants dont les cris tentent d’attirer le chaland.
Dans ce vacarme se côtoient les valets, les gentilhommes et les gueux.

> Le royaume des charlatans de toute espèce

Certains sont restés célèbres : Barberau qui s’enrichissait à vendre une eau miraculeuse qui selon lui guérissait la goutte, la fièvre ou l’épilepsie. Il remplissait ses petites fioles directement avec l’eau de la Seine. Ou encore Treffel qui guérissait tous les maux à partir de substances vénéneuses. Ce pauvre homme mourut en avalant son propre produit miracle pour convaincre un badaud. Brioché devint un célèbre marionnettiste alors qu’il avait débuté comme arracheur de dent. Il utilisait son singe et ses marionnettes pour distraire le pauvre patient au moment fatidique. D’autres avaient l’habitude d’employer des musiciens pour couvrir les cris du malheureux.
Il faut dire que l’opération était un spectacle apprécié des badauds. Souvent l’arracheur de dent désignait dans la foule un homme – en fait un compère – qui se faisait arracher un dent sans un cri. Bien sûr la dent ôtée et montrée fièrement au public comme un trophée n’était pas la sienne.
Le patient s’asseyait sur une simple chaise et se cramponnait aux barreaux. S’en suivait un roulement de tambour dont la principale fonction était de masquer les cris de l’homme. A la vue de la molaire extraite, le public répondait par des applaudissements.
Aujourd’hui où le passage chez l’orthodontiste et le port des appareils métalliques est monnaie courante, on a du mal à imaginer la foule d’édentés chez les pauvres comme chez les bourgeois. Souvent les dents tombaient toutes seules.  Louis XIV, par exemple, se fait arracher une bonne partie du palais en se faisant soigner, ce qui fait qu’au soir de sa vie, il arrive souvent que le liquide qu’il boit lui ressorte par le nez. Joséphine, femme de Napoléon, doit masquer sa bouche avec un éventail quand elle sourit ou rigole tant elle a les dents noires.

L’arracheur de dents Caravage 1607 Galerie Palentine Florence

> Les arracheurs de dents en province

Le site histoire-en-question fait la liste des pratiques, croyances et superstitions en usage dans les diverses provinces de France.
En Bretagne, l’arracheur de dents est le forgeron et il opère avec ses tenailles, le patient buvant une ration de gnôle qui sert de désinfectant et d’anesthésie. En Auvergne c’est le marchand drapier qui utilise un crochet en forme de tire-bouchon. Prenant appui sur vos genoux, il vous appuyait sur les hanches. Et si la dent ne venait pas toute entière, il en sortait toujours un bout même quelque fois avec un peu de gencives.
Les remèdes pour soigner une rage de dents étaient originaux. Jugez plutôt : Ici, un abcès disparaissait dès qu’on le touchait d’une main encore chaude d’avoir étouffé une taupe; là on le frottait avec un clou planté préalablement dans une poutre de charpente. Là encore c’étaient les racines d’asperges qu’on frottait sur la dent cariée.
Pour se prémunir de douleurs dentaires, il était recommandé de porter une patte de lièvre sous son aisselle gauche. En Limousin, il suffisait de mordre un objet en fer, tandis que tintaient les cloches du Samedi saint, pour être tranquille pendant l’année. En Provence, on assurait une bonne dentition à un enfant en lui attachant au cou une patte de taupe.
Les dictons populaires n’étaient pas en reste. Aux femmes enceintes on disait “mal de dents, mal d’enfants”. Quiconque, ayant rêvé d’avoir perdu une dent, devait se préparer à la mort imminente d’un de ses proches. Ou encore quelqu’un qui souffrait des dents ne pouvait être qu’amoureux.

Les arracheurs de dents officiaient encore au XIXe siècle

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