On sait combien les Romains tout comme les Grecs étaient attachés à l’hygiène. Lors de l’extension de l’empire Romain, ils ont créé de vastes aqueducs qui ont notamment amené l’eau au centre de Paris et construit de nombreux thermes. Mais il semble que cet attachement à la propreté se soit évanoui lors des invasions franques et barbares dans les siècles suivants.
Au temps des Mérovingiens, un des pires signes de mépris était de jeter à la figure de son ennemi la “boule puante des rues des villes“. La règle du “tout à la rue“ et du “tout à la rivière“ primait et les citadins devaient s’habituer aux immondices et excréments ainsi qu’aux odeurs pestilentielles qui se dégageaient des rues.
“Gare à l’eau” , “Gare dessous” entendait-on au Moyen Age. Chacun expédiait tranquillement ses ordures voire le contenu de ses pots de chambre par dessus la fenêtre.
Louis XI ne fut-il pas arrosé par le contenu du vase de nuit d’un étudiant lors d’une de ses promenades nocturnes ? Le roi ne lui en tint pas rancune puisqu’il lui alloua une bourse pour l’encourager dans ses études.
> Tenir le haut du pavé
Essayons d’imaginer ces rues étroites et sombres non encore pavées où les excréments humains, le crottin des chevaux, les déjections de porcs et les fientes des volailles se mêlent aux ordures.
Dans la plupart des quartiers, il n’existe ni latrine ni lieu d’aisance et les gens se soulagent souvent un peu partout.
Bonjour l’odeur !
Philippe Auguste qui s’était mis à sa fenêtre fut incommodé par l’odeur qui se dégageait de Paris. Il fit paver deux artères qui se croisaient au niveau du Châtelet. On les nomma “carreau du Roi“. Mais au XVIIe siècle, soit 400 ans plus tard, la moitié des rues de la capitale restaient en terre battue.
Les rues pavées, quant à elles, sont en creux de façon à ce que l’eau s’y écoule en leur milieu. On s’efforce alors de marcher sur le côté, là où la rue est la plus haute. Mais les rues de Paris sont étroites et il est de bonne convenance lorsqu’on est pauvre de s’écarter pour laisser le bourgeois sur le haut du pavé. D’où l’expression “tenir le haut du pavé”, faisant référence au statut social.
> Les parisiens sortent leurs ordures au son de la clochette de Fifi
Pour assainir les rues, des “voiries” furent créées. Il s’agissait de lieux dédiés en périphérie de la capitale où des tombereaux tirés par des bœufs ou des ânes venaient déposer les ordures de Paris.
Mais les parisiens continuent à jeter leurs ordures dans la Seine qu’on boit d’ailleurs. Il est conseillé quand même de prélever l’eau en son milieu !
Après l’épidémie de peste qui fit plus de 25.000 victimes dans la capitale en 1562, François 1er prit une ordonnance qui imposa de balayer devant sa porte avant le passage des tombereaux et de mettre les ordures dans des paniers.
Louis XIV, dans un edit en 1666, fixa les horaires des collectes. La clochette de “Maitre Fifi” annonçait à sept heures en été et huit heures en hiver qu’il fallait amener devant sa porte les “balayures de la maison“.
En 1697, la Police constate néanmoins que ” les habitants du quartier de Saint Denis jettent encore jour et nuit par les portes et les fenêtres toutes leurs eaux, saletés, urines et matières”. Décidément, rien n’y fait !
Heureusement, à la fin du XVIIIe siècle le courant hygiéniste va corriger peu à peu les choses. Un corps sain et propre dans un espace nettoyé feront partie des codes de bonne conduite familiale.
> La Révolution met de l’ordre
Au début de la Révolution fut promulguée la première loi qui définissait pour toute la France l’organisation du nettoyage des rues et des places. Une ordonnance de police de 1799 imposa à tous les propriétaires et locataires de balayer chaque jour la voie publique devant leur logis de la façade jusqu’au milieu de la chaussée. Boues et immondices devaient être remontés à l’abri du débord du toit afin que les pluies ne les emportent pas au ruisseau. Là encore c’est un préposé qui à coups de sonnettes rappelait chacun à son bon devoir.
Une nouvelle profession prospère : les balayeurs que nous décrit Nicolas Rétif de la Bretonne dans son ouvrage “les nuits de Paris” (1788-1794) :
“Il était cinq heures quand je m’en revins. Je trouvai plusieurs hommes qui avaient entrepris le balayage des particuliers. Ils s’entendaient entr’eux et commençaient en haut d’une rue basse, étroite et sale; ils n’incommodaient personne et poussaient la balayure jusqu’à la grande rue. J’observai seulement que l’entêtement d’un seul particulier au milieu de la petite rue, qui ne voulait pas se servir d’eux, les gênaient beaucoup ! Ils étaient obligés de faire passer sur son terrain les boues liquides, et ne pouvant les y laisser, de balayer sa place gratis. Je vis, qu’ils allaient ensuite proche de la rivière, à une autre rue, dont ils précipitèrent la boue dans la Seine. Ce que je blâmai.”
Le tout-à-l’égout ne sera opérationnel à Paris qu’en 1894 sous l’impulsion d’Eugène Belgrand qui avait été chargé par le baron Haussmann de prendre en charge le service de l’eau. Le tout-à-l’égout rencontra beaucoup de résistances, à commencer par celle d’Haussmann. Belgrand se chargera d’améliorer l’adduction d’eau, de généraliser la récupération des eaux de pluie. Tout naturellement il prendra en charge le traitement des eaux usées et développera ainsi le réseau d’égouts tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Peu d’années auparavant, en 1883, le préfet Eugène Poubelle, quant à lui, avait règlementé le ramassage des ordures. Mais cela est une autre histoire que je vous raconte ici