Médor et les sept momies

You are currently viewing Médor et les sept momies
Médor le chien du Louvre

Peut-être que la popularité de ce nom, Médor, vient de cette histoire que nous conte ce petit livre d’une quinzaine de pages au titre “Tombeaux du Louvre” découvert dans les rayons histoire de la Bibliothèque Nationale de France.

> Le chagrin de Médor

Nous en sommes en juillet 1830. La France sort des élections de 1827 qui ont fait entrer à l’Assemblée Nationale une majorité de libéraux. Mais le roi Charles X, très conservateur, souhaite reprendre la main et publie les ordonnances de Saint Cloud le 25 juillet qui vont mettre le peuple dans la rue.

La Liberté guidant le peuple Eugène Delacroix Le Louvre illustrant les Trois Glorieuses

Le Roi suspend la liberté de la presse, dissout l’Assemblée et modifie les règles du collège électoral pour revenir à celles en vigueur sous les anciennes monarchies.
Dès le 27 juillet, sous l’impulsion de Thiers et face à l’intervention des forces de l’ordre pour empêcher la parution des journaux, des barricades sont dressées dans Paris. Trois jours d’émeutes s’en suivront qui feront près de 800 morts et 4000 blessés. Les insurgés envahiront le Palais Bourbon et le Louvre. Le 29 juillet, les soldats ayant fraternisé avec les révoltés, Paris est aux mains des insurgés. “Les Trois Glorieuses” mettront fin au règne de Charles X qui abdiquera et porteront sur le trône Louis-Philippe Ier, à la tête d’un nouveau régime, la monarchie de Juillet.

C’est dans ce contexte que se situe l’histoire de Médor dit “Médor, le chien du Louvre”.
Ce fidèle chien suit son maître, Jacques-Léon Duhamel, 26 ans, maçon de son état, sur les barricades près du Louvre. Le jeune homme fait partie des insurgés bien décidés à entrer dans le Palais. Avec son cousin germain, Louis-Alphonse Duhamel tous deux combattent les gardiens suisses près du Carrousel lorsqu’ils sont blessés mortellement. Médor reçoit aussi quelques balles mais ne quitte pas les cadavres des 2 cousins qu’on entasse sur une charrette. Une fosse commune est ouverte dans le Jardin de l’Infante, entre le Louvre et la Seine.
A partir de ce jour on vit Médor errer dans le quartier le long des murs en émettant des sons plaintifs. Il se couchait près de l’endroit où était enterré son maître, hurlant la nuit. Surpris par sa présence, des personnes essayèrent de l’approcher car il maigrissait à vue d’œil. Seule une brave femme répondant au nom de Dame Troiedul put approcher le chien et lui faire accepter quelque nourriture. Médoc reprit un peu goût à la vie mais il restait là, sur le dessus de la fosse commune. Il avait réussi à récupérer un chiffon, probablement un morceau d’un habit de son maître et passait son temps à le lécher. Lorsqu’on lui donnait un bout de pain ou de brioche, il l’enterrait dans le sol à côté du chiffon. Voulait-il cacher ce crouton ou nourrir son maître ?
Médor était de la race des barbets. Il était blanc avec des taches marrons sur le dos et les oreilles. Plusieurs personnes essayèrent de l’adopter. Un conducteur de voitures l’emmena à quelques lieux de Paris mais le chien revint sur la tombe de son maître. Une autre femme essaya de le vendre 200 francs à un anglais. Elle fut arrêtée.
Les gardes nationaux voyant que Médoc restait là depuis plusieurs semaines lui fabriquèrent une forme de niche sur laquelle ils avaient écrit :
“Depuis “le jour qu’il a perdu son maître,
Pour lui la vie est un pesant fardeau;
Par son instinct il croit le voir paraître ;
Ah! pauvre ami, ce n’est plus qu’un tombeau.

L’histoire ne dit pas ce qu’il advint de Médor.

> Les momies à la Bastille

Le 27 juillet 1831, Louis-Philippe pose la première pierre de la Colonne des Trois Glorieuses sur la place de la Bastille, monument à la gloire des combattants de juillet 1830.
Napoléon avait imaginé une immense fontaine en forme d’éléphant pour garnir la place. Une maquette en bois et plâtre dont nous avons parlé dans un ancien article pour les rats qui l’avaient envahie, avait été installée sur la place. Elle sera détruite mais les énormes galeries creusées en vue d’alimenter la fontaine en eau seront utilisées pour regrouper les dépouilles des combattants de juillet dispersées dans 4 fosses communes dans Paris dont celle du Louvre.

Colonne de la Bastille à la mémoire des combattants de Juillet 1830

Les scientifiques qui accompagnaient Bonaparte en Egypte avaient rapporté des momies qui furent entreposées dans le sous-sol du musée du Louvre mais le climat de Paris ne leur convenait pas vraiment. Les bandelettes s’humidifiaient. Pire 7 momies étaient en état de putréfaction avancée. On profita alors de la fosse commune du jardin du Louvre pour les y enterrer.
Les 7 momies suivirent ainsi les corps des insurgés dans les entrailles de la place de la Bastilles.
Leur nom manque dans la liste gravée sur la colonne tout comme d’ailleurs celui des deux cousins.

Laisser un commentaire