Les aqueducs du sud de Paris

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Aqueduc d'Arcueil - On remarque au premier niveau l'aqueduc Médicis et sur le haut l'aqueduc réalisé par Belgrand sous Haussmann

Nous allons vous proposer une balade d’Arcueil au Jardin du Luxembourg à la découverte des aqueducs du Sud de la Capitale, mais auparavant faisons un peu d’histoire.

Nous sommes à l’époque d’Henri IV et nous avons déjà évoqué le manque d’hygiène des parisiens qui n”hésitent pas à jeter leurs ordures par les fenêtres directement dans la rue, de nombreux immondices finissant dans la Seine. Ce qui n’empêche pas les porteurs d’eau de vendre de l’eau puisée au centre du fleuve pour la consommation journalière. Ne possédant pas de système d’égouts de nombreux puits sont pollués tout comme la nappe phréatique. L’eau manque cruellement dans la capitale.
Henri IV souhaite créer des adductions d’eau de source pour alimenter Paris. Des recherches sont faites sur les premiers aqueducs romains.

> Le premier aqueduc romain

En effet, les romains avaient au IIe siècle construit un aqueduc de 16 kms au sud de Lutèce qui comptait à l’époque 6 à 8.000 âmes concentrées sur la rive gauche. Ils ont étudié le relief et cherché des sources qu’ils ont trouvées dans la région de Wissous et Rungis.
Un “Carré des eaux” collectait à l’aide de drains sur plusieurs kilomètres les eaux qui étaient acheminées uniquement par la force gravitaire selon une pente estimée à 0,35 mètre par kilomètre. Au fond de la vallée de la Bièvre, au niveau de l’actuelle ville d’Arcueil les romains édifient un pont aqueduc. Haut de 14 mètres sur une longueur de 330 mètres, il repose sur 33 piles dont trois subsistent aujourd’hui ainsi qu’une arche. La conduite, insérée dans une tranchée d’un mètre de large sur un mètre de profondeur, est un coffrage en U qui reçoit un revêtement en mortier le rendant parfaitement étanche. Il est recouvert d’une dalle scellée.
Après Gentilly, la conduite contournait la butte Montsouris, traversait l’actuelle ZAC Alésia-Montsouris, empruntait la rue de la Tombe-Issoire puis la rue Saint-Jacques pour aboutir à un grand réservoir vers la rue Gay-Lussac. Il se terminait dans les Thermes de Cluny dont on voit encore les traces dans le musée du Moyen-Age. On évalue le débit à 2 millions de litres par jour.

l’aqueduc romain (source Atlas du Paris souterrain)
Vestiges de l’aqueduc Romain 7, rue de l’Empereur Valentinien

> L’aqueduc Médicis

Henri IV sera assassiné (voir notre article ) avant d’avoir pu réaliser son projet et c’est sa femme, Marie de Médicis, devenue Régente voulant s’installer au Palais du Luxembourg qui sera l’instigatrice du nouvel aqueduc qui portera son nom “l’aqueduc Médicis“.
Moins préoccupée d’améliorer l’usage de l’eau pour les 300.000 Parisiens que ne l’était Henri IV, elle souhaitait surtout doter le Palais du Luxembourg de bassins et de jets d’eau.
On recruta les meilleurs experts dont le “conducteur des fontaines et de grottes du roiThomas Francini. C’est Jean Coingt, maître maçon de Paris, qui reçut l’adjudication des travaux pour la somme de 460.000 livres payables en 6 ans.
Les travaux débutent en 1612 et occupent 600 ouvriers. La facture du chantier atteindra presque le double du devis initial et le 16 mai 1623 l’eau coule enfin dans le réservoir final de la maison du fontainier (au niveau de l’actuel 42,avenue de l’Observatoire).
Le tracé de l’aqueduc est voisin de l’ancien aqueduc romain. Son parcours est jalonné de 27 regards doté d’un bassin pour retenir les impuretés, d’une mini cascade pour aérer l’eau et d’une grille d’aération. Des volets en bois permettent tout au long du parcours d’isoler le conduit du froid l’hiver.

Aqueduc Médicis (source Atlas du Paris souterrain)
L’hivers, des volets permettaient d’isoler du froid l’aqueduc Médicis
Regard aqueduc Médicis

La Bièvre est franchie tout comme l’aqueduc romain à Arcueil, l’aqueduc Médicis prenant souvent appui sur son ancêtre. Là encore l’écoulement se fait par gravité depuis la collecte des sources au carré d’eau de Rungis.
Après avoir traversé Gentilly l’aqueduc dont on ne voit que les regards (il en reste 22 aujourd’hui) entre dans Pairs face à la rue Gazan. Il passe sous le parc Montsouris puis sous les jardins de l‘Hôpital de la Rochefoucauld. Sa galerie sous les boulevards Saint-Jacques et Arago fut utilisée par les contrebandiers pour éviter de payer l’octroi du mur des Fermiers Généraux. Il aboutit enfin dans la maison du fontainier où un jeu de bassin donne la priorité du débit au “bassin du roi” (41%) qui va desservir les jardins du Luxembourg. Puis ensuite le second “bassin des Carmélites” (31%) alimente les besoins du Clergé. Enfin si le débit le permet le dernier bassin est destiné à alimenter les fontaines des Parisiens. Le Roi d’abord, le Clergé ensuite et le peuple si il reste de l’eau !!!
L’aqueduc délivrait un débit de 1.240 mètres cubes par jour soit moins que l’aqueduc romain et très vite les fontaines qui se multipliaient dans Paris manquèrent d’eau. Des concessions octroyées à des princes de sang, des ordres religieux, collèges et hôpitaux et de nombreuses fraudes et prélèvements directement sur les conduits détournaient un volume considérable d’eau.
Aujourd’hui les eaux de l’aqueduc Médicis alimente le lac du Parc Montsouris puis se déversent dans les égouts.

> Les travaux d’Haussmann

Ce réseau des eaux du Sud de Paris vivra sa 3eme période lors des travaux d’Haussmann. Sous la responsabilité d’Eugène Belgrand qui prend en 1854 la direction des Eaux de Paris, un nouvel aqueduc ira chercher les eaux de sources de la Vanne à 156 kms de Paris à Fontvannes dans l’Aube et des rivières Voulzie et Lunain dans les régions de Provins et de Fontainebleau en Seine-et-Marne.
Pour passer la vallée de la Bièvre, Belgrand utilisera l’aqueduc Médicis en construisant en quelque sorte un 3eme étage devant l’aqueduc de la Vanne en pierre meulière. D’une longueur de plus d’un kilomètre, il culmine à une hauteur de 38 m et est composé de 77 arcades.
Il alimente le réservoir de Montsouris qui fournit aujourd’hui 20 % de la consommation d’eau de Paris. Construit sur les anciennes carrières de Montrouge, ses 1800 piliers soutenant les voutes des deux réservoirs superposés ont été consolidés chacun par un pilier en maçonnerie. 22 puits de services furent aménagés dans les anciennes carrières pour réaliser ces consolidations qui durèrent de 1872 à 1874. Les piliers du premier réservoir soutiennent des piliers en briques pour le réservoir de l’étage.
Lors de sa mise en service, le réservoir de Montsouris est le plus vaste ouvrage jamais construit dans le monde.
Le réservoir de l’étage stocke 77.000 mètres cubes d’eau, celui du rez-de-chaussée 125.000 mètres cubes. Ces masses d’eau représentent un tiers de la consommation journalière parisienne.

Construction du réservoir Montsouris
Le réservoir Montsouris alimente en eau potable 20% des parisiens

Voilà, vous en savez assez pour passer maintenant à la balade.


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