Fédor Hoffbauer, l’architecte illustrateur

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Un jour, dans l’Emmaüs de Neuilly-Plaisance, qui est le premier lieu où l’Abbé Pierre créa la communauté, j’ai trouvé un livre assez exceptionnel. C’est “Paris à travers les âges” de Theodor Josef Hubert Hoffbauer connu aussi sous le nom de Fédor Hoffbauer. Il est exceptionnel parce qu’il est l’œuvre d’un architecte allemand qui était aussi peintre, dessinateur, graphiste et illustrateur.
Ce livre a une histoire. Elle commence avec Haussmann à l’époque de ses grands travaux en 1868 une collaboration avec la ville de Paris.
Il est nécessaire de réaliser des relevés, d’établir des plans pour ce chantier titanesque qui va révolutionner la topographie de la capitale. On demande à Hoffbauer de représenter les quartiers de la capitale qui devaient faire l’objet de travaux avant leur démolition et après leur reconstruction.
Ce sera le point de départ de cet ouvrage auquel participeront de nombreux historiens de l’époque.

Si vous trouvez ce livre (il peut atteindre 150 euros dans certaines ventes), ne comptez pas l’emporter en ballade avec vous, vu son poids.
A l’origine, ce travail prend la forme de 14 fascicules qui seront réunis en 2 volumes dans la 2e édition parue en 1885.
Mais quel éditeur serait assez fou aujourd’hui pour publier un tel ouvrage ?
C’est la maison Firmin-Didot, dynastie d’imprimeurs, éditeurs et typographes dont l’histoire débute au XVIIIe, maitrisant toutes les branches de l’industrie du livre et dont la qualité des impressions fait leur réputation, qui se charge de publier ce livre.
Les fascicules décrivent minutieusement l’histoire des quartiers de Paris et surtout des principaux monuments de la capitale, et ce, dans les moindres détails.
Mais le plus impressionnant, ce sont les dessins d’Hoffbauer qui illustrent le livre. Et surtout les séries de planches disposées entre les chapitres sous la forme de grandes lithographies d’un même lieu à plusieurs époques afin d’en percevoir les évolutions.
Les planches sont documentées et souvent des calques permettent de se représenter le changement au fil des années de la topologie des rues du quartier décrit.
Je vous propose de nous arrêter un moment sur le Pont au Change.

> L’époque des ponts aux maisons

Le Pont au Change était un des ponts principaux de la capitale et c’était là que ceux qui arrivaient de Province venaient échanger leur argent, de nombreuses villes émettant sa propre monnaie. Ils disposent des pièces de toutes les provinces du Royaume.
En 1292, on dénombre 16 changeurs qui sont installés sur le Pont au Change.
Les joailliers et les orfèvres avaient installé leurs boutiques si serrées que l’on ne voyait pas la Seine depuis le pont. Tous les ponts étaient pourvus de maisons. Elles peuvent atteindre 6 étages et sont jusqu’au nombre de 30 sur le pont.
Majoritairement en bois, ces bâtisses seront la proie des flammes de nombreuses fois, les incendies étant le risque majeur de l’époque.

> L’incendie du Pont au Change en octobre 1621

La première planche tirée de notre livre illustre l’incendie qui se déclencha dans une nuit d’octobre 1621. Elle s’inspire selon Hoffbauer d’une eau forte de Charles Meryon. Le dessin montre comment étaient les environs du pont à cette époque.
La rive du fleuve est bordée par l’arrière façade des maisons de la rue de la Pelleterie. Les rez-de-chaussée sont occupés par les ateliers des peaussiers et des teinturiers qui travaillent à même le fleuve. Vers le milieu, la place du Port-Aux-Œufs communiquait avec le rue de la Pelleterie par un passage ouvert à travers de la maison dite de la Tour Roland ou Tour Marquefas.
Lorsque la fonction est disponible sur votre lecteur, vous pouvez déplacer une loupe sur le reproduction et apprécier certains détails.
Le feu aurait pris dans le logis d’un dénommé Goslard, écrivain de son état, dont la servante a laissé tomber une chandelle. En moins d’une heure le pont des Marchands puis le pont au Change sont en feu. Tout est en bois et brûle facilement. Attisé par un vent violent, le feu gagne le campanile.

> En 1647, le Pont au Change est reconstruit en pierre

Pendant 18 années, c’est une passerelle qui reliera les deux rives. De 1649 à 1647, le Pont au Change est rebâti en pierre. Les maisons des quais ont conservé leurs ateliers. Dans les combles se sont installés des graveurs et des orfèvres. La flèche de la Sainte Chapelle a été refaite dans une style plus gothique à la demande de Louis XIII.

> Louis XVI ordonne la destruction des maisons bâties sur les ponts de Paris

Les ordonnances du roi vont imposer la destruction des maisons du Pont Notre Dame puis de celles du Pont au Change.

Pour mener à bien ces travaux, il est fait recours à un emprunt de 7 millions 500 mille livres. La rue de la Pelleterie résistera un peu mais les bâtisses seront finalement détruites et la première pierre du quai Desaix que l’on nomme le quai aux Fleurs est posée le 24 Messidor an VIII soit le 13 juillet 1800.
Les travaux donnent une nouvelle perspective au quartier dégageant la Tour de l’Horloge.
La flèche de la Sainte Chapelle a été abattue pendant la Révolution.
On aperçoit aussi les formes arrondies du théâtre de la Cité construit en 1790 par Nicolas Lenoir

> Naissance du marché aux fleurs

Cette nouvelle planche représente le quartier tel qu’il était en 1855. Le marché aux fleurs a été inauguré le 16 août 1809. Par décret de l’empereur Napoléon Ier le 21 janvier 1808, un terrain vague situé entre le quai Desaix (actuel quai de la Corse) et la rue de la Pelleterie (rue disparue) est cédé à la ville pour y transférer le marché aux fleurs et aux arbustes établi jusqu’alors quai de la Mégisserie, de l’autre côté de la Seine.
L’angle du palais et l’horloge ont été réédifiés.
La flèche de la Sainte Chapelle a été reconstruite, plus fine.
Le théâtre de la Cité est devenu le Prado. Si le théâtre n’avait pas brillé par la qualité de ses productions, le Prado n’abritera que des bals populaires.

En 1860, le marché aux fleurs s’enrichit d’une partie marché aux oiseaux, commerce qui perdurera jusqu’en 2021, date à laquelle un trafic d’oiseaux et une décision de la Mairie de Paris contre la maltraitance animale stopperont cette activité.

> 1864, construction du Tribunal de Commerce de Paris et travaux haussmanniens

Le tribunal de commerce de Paris est construit entre 1860 et 1864 sur la partie ouest du marché. Le reste de la rue de la Pelleterie et celle du Marché-aux-Fleurs (percée après la démolition de l’église Saint-Pierre-des-Arcis en 1797), ainsi que la rue Gervais-Laurent, la rue Saint-Pierre-des-Arcis et la rue Sainte-Croix-en-la-Cité sont rasées en 1866 afin d’aménager un nouveau marché dans le cadre des travaux haussmanniens.

Le marché aux fleurs sera complètement démoli pour les travaux du métro. N’hésitez pas lire l’article que nous avions consacré aux travaux de la traversée des deux bras de la Seine.
Le marché sera reconstruit une fois les travaux terminés et fait aujourd’hui toujours le plaisir des touristes et des promeneurs.

Rebaptisé Marché aux fleurs Reine-Elizabeth-II en juin 2014 lors de la visite de la Reine aux commémorations du débarquement, c’est la Reine d’Angleterre qui inaugurera en personne la nouvelle plaque.

Le Pont aujourd’hui

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