Les carrosses à cinq sols

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Carrosse à cinq sols de Blaise Pascal (maquette musée de Clermont Ferrand)

On sait que Blaise Pascal né dans une famille bourgeoise était un enfant précoce.
Eduqué par son père passionné de mathématiques, il publie à 16 ans un traité de géométrie et invente la première machine à calculer à 19 ans. Cette machine à calculer est d’ailleurs exposée au musée des Arts et Métiers que nous vous conseillons de visiter (voir notre article).

Machine à calculer Pascal

Si on lui prête à tort l’invention de la brouette, on lui doit une surprenante initiative que peu de gens connaissent : avoir inventé le premier transport en commun urbain.

> Cinq soles c’est pas cher

Paris compte déjà plus de 500.000 habitants en 1661. La majorité des parisiens se déplacent à pied. Seuls les bourgeois fortunés possèdent des fiacres. Il faut avoir assez d’argent pour pouvoir héberger les chevaux qui sont nécessaires à ces attelages ou pour emprunter des fiacres en location.
Blaise Pascal est profondément humaniste et il trouve cette situation injuste. Avec le duc de Roannez, Simon Arnauld de Pomponne et Pierre de Perrien, mar­quis de Crenan, il fonde une entreprise de carrosses un peu particulière.
Il entend “proposer, pour un prix modique, des carrosses qui feraient toujours les mêmes trajets dans Paris […] et partiraient toujours à heures réglées, quelque petit nombre de personnes qui s’y trouvassent, même à vide s’il ne se présentait personne ».
Son slogan : Afin que de partout on puisse aller partout ».
Pascal vient d’inventer le transport public urbain. Les carrosses à cinq soles sont nés.

Il a obtenu les patentes royales obligatoires et le 18 mars 1662 au matin, ses sept carrosses s’élancent dans Paris.

Lettre patente Paris, Guillaume Desprez, 1662. Bibliothèque nationale de France,

> Un service continu toute la journée

La première “ligne” mène de la rue Saint-Antoine au Luxembourg.
En fait elle relie le domicile de Blaise Pascal à l’hôtel du Duc de Roannez en passant par la rue de la Verrerie, le pont au Change, le pont Neuf et la rue Dauphine.
Le carrosse tiré par 4 chevaux passe tous les 1/4 d’heure depuis 6 heures du matin jusqu’à 20 heures. Son cocher et le laquais sont habillés de bleu aux armes du Roi et de la Ville de Paris. L’attelage s’arrête à la demande et peut transporter 8 personnes pour la modique somme de 5 sols.

Le succès est immédiat. Il était courant que les carrosses soient pleins et qu’il faille attendre plusieurs passages pour pouvoir espérer ne pas rentrer à pied comme en témoigne cette lettre de Madame Perrier à Arnauld de Pomponne :
“…La chose a réussi si heureusement que dès la première matinée, il y eut quantité de carrosses pleins, et il y alla même plusieurs femmes ; mais l’après-dînée ce fut une si grande foule, qu’on ne pouvoit en approcher, et les autres jours ont été pareils ; de sorte qu’on voit par expérience que le plus grand inconvénient qui s’y trouve, c’est celui que vous aviez appréhendé ; car on voit le monde dans les rues qui attend un carrosse pour se mettre dedans, mais quand il arrive, il se trouve plein : cela est fâcheux, mais on se console, car on sait qu’il en viendra un autre dans un demi-quart d’heure : cependant, quand cet autre arrive, il se trouve qu’il est encore plein, et quand cela est arrivé ainsi plusieurs fois, on est contraint de s’en aller à pied ; et, afin que vous ne croyiez pas que je dis cela par hyperbole, c’est que cela m’est arrivé à moi-même” .

> Voyager avec les gueux, non mais ! Jamais !

Mais si le peuple est ravi, ce n’est pas le cas des nobles et de certains bourgeois qui refusent de voyager avec des personnes qui ne sont pas de leur rang. Tiens donc !
Ils réussiront même à obtenir  un arrêt du Parlement de Paris en date du 27 mars 1662 qui interdit l’usage des carrosses à cinq sols aux «soldats, laquais, gens de livrée, pages».

Blaise Pascal ne se décourage pas pour autant et 4 autres lignes seront ouvertes d’avril à juillet 1662.
Ces tracés sur la carte de Jouvin de Rochefort témoignent du maillage de l’entreprise de Blaise Pascal. On raconte que le Roi se fit transporter à Saint Germain dans un de ces carrosses et insista pour qu’une ligne desserve le Louvre.

La carte des lignes des carrosses (Chumwa/Travail personnel sur carte de Jouvin de Rochefort 1672 – Wikipédia)

Selon les historiens les carrosses semblent avoir circulé jusqu’en 1677.
Blaise Pascal, déjà très malade à l’époque du lancement des carrosses mourut le 19 août 1662 à 39 ans soit peu de temps après le début de cette aventure.

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