Dans le précédent article consacré aux ponts de Paris, nous avons découvert les 5 premiers ponts de la Capitale.
La Seine a été longtemps capricieuse, et nombre de fois emportés, ils ont tous été reconstruits. Depuis1876, ils sont libres de toute maison. On a trop vite oublié que sur certains ponts, jusqu’à 60 maisons s’y dressaient. En bois puis en pierre, quelques fois ayant jusqu’à 6 étages, elles étaient menacées par les incendies.
Aujourd’hui, 34 ponts enjambent le fleuve.
Il n’est pas question de les décrire tous, mais dans cette seconde partie, nous vous ferons découvrir ceux qui sont chers aux Parisiens.
Initié par Henri III qui avait souhaité un grand pont qui traverse d’un seul tenant les deux bras de la Seine au bout de l’île de la Cité, le pont que nous allons découvrir devait aussi supporter des maisons. Des caves avaient d’ailleurs été construites dans ses piles, mais Henri IV finalement interdit leur construction.
> Le Pont Neuf, le plus vieux pont de la Capitale
Dans un ancien article sur les îles disparues de Paris, nous avions évoqué la création de ce pont.
Avant la création sous Henri III et Henri IV du pont, l’Ile de la Cité se terminait au niveau de la rue Harley à la limite du Palais de Justice actuel.
Deux petites îles et un ilot lui faisaient face. L’Ile des Juifs était la plus grande. Elle appartenait à l’abbaye Saint-Germain-des-Prés. C’est sur cette île qu’en 1313, furent brulés Jacques de Molay, grand maître de l‘ordre des Templiers et Geoffroy de Charnay. A côté d’elle se tenait l’île du Passeur-aux-Vaches du nom de l’homme qui en était le seul habitant et dont le métier était de conduire avec son bac les animaux sur les différents îles de la Seine.
Un moulin à eau se dressait sur la troisième île, l’Ile de la Gourdaine. Un menuisier auvergnat, Aubin Olivier, fut autorisé par Henri II à installer sur les lieux une de ses inventions : un moulin pour battre monnaie.
Ces 3 iles furent réunies et comblées pour créer la Place Dauphine et soutenir les piliers du Pont Neuf à sa construction.
Le pont sera pourvu de trottoirs, ce qui permettait d’éviter la boue et les chevaux. Il traverse les deux bras de la Seine et face à la Place Dauphine une gigantesque statue d’Henri IV sera construite.
Cette statue fut brisée lors de la Terreur en 1792. Tout symbole de la monarchie devait être éradiqué.
Il ne reste de cette statue qu’une partie de l’intérieur du cheval, une botte, un bras et les deux mains d’Henri IV. Je vous invite à vous représenter la dimension de cette statue d’origine en retrouvant ces vestiges au musée Carnavalet.
C’est Louis XVIII qui fait fabriquer une nouvelle statue équestre, dessinée par le sculpteur François-Frédéric Lemot. La statue sera inaugurée le 25 août 1818. De mystérieux documents ont été trouvés à l’intérieur de la statue. Pour en savoir plus, n’hésitez pas à lire un de nos anciens articles.
Le Pont Neuf va devenir très rapidement un lieu très fréquenté des Parisiens. Les “corbeilles” du pont abritent des petits commerces.
C’est le royaume des marchés ambulants, des tondeurs de chien, des montreurs de marionnettes. On y trouve les premiers bouquinistes qui en seront chassés car ils faisaient de la concurrence aux libraires du quartier.
Une pompe à eau sera installée contre une de ses arches “La Samaritaine“. Elle alimentera en eau de la Seine le Louvre et les jardins des Tuileries.
Dans une de ces corbeilles, Ernest Cognacq est calicot – on appelle ainsi les vendeurs de nouveautés pour clientèle féminine. Sous son parapluie rouge, il est installé là où se tenait la “Samaritaine”, cette pompe mécanique voulue par Henri IV. Il va créer avec son épouse quelques années le célèbre magasin qu’il baptisera du nom de cette ancienne pompe.
Le magasin a réouvert récemment. Il est en face du Pont neuf. Si vous voulez en savoir plus, n’hésitez pas à prendre quelques minutes pour lire un article que nous avions consacré à la réouverture de ce magasin mythique.
> Le Pont Mirabeau cher à Guillaume Apollinaire
Souvenir du collège ou du lycée, ce poème résonne à vos oreilles :
“Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peineVienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeureLes mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasseVienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeureL’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violenteVienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeurePassent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la SeineVienne la nuit sonne l’heure
Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913
Les jours s’en vont je demeure”
Le pont a été construit de 1893 à 1896 à la demande du président de la République Sadi Carnot. C’est la première fois qu’est utilisé le procédé des caissons à air comprimé dans la fondation des piles.
Les deux piles représentent des bateaux. Celui près de la rive droite descend la Seine tandis que celui de la rive gauche la remonte. Ces bateaux sont ornés de quatre statues allégoriques en bronze de Jean-Antoine Injalbert : La Ville de Paris , La Navigation, L’Abondance et Le Commerce.
> Le Pont Alexandre III
Inauguré pour l’Exposition universelle de Paris en 1900, le pont était destiné à symboliser l’amitié franco–russe, instaurée par la signature de l’alliance conclue en 1891 entre l’empereur Alexandre III (1845-1894) et le président de la République française Sadi Carnot.
Le cahier des charges prévoyait qu’il soit suffisamment plat pour qu’on puisse voir entièrement les Invalides depuis les Champs-Élysées. Il ne devait pas entraver la navigation et avoir un tirant d’air au moins égal à celui des ponts les plus modernes. Sa largeur devait être proportionnée à celle de l’avenue qu’il prolongeait : d’abord envisagée à 50 m, elle fut arrêtée à 40 m pour ne pas trop perturber la navigation. Il devait être symétrique et décoratif d’où une largeur imposée des quais de 22,50 m). Les fondations furent creusées à l’aide du procédé des caissons pressurisés. Il y eut 25 accidents de décompression. Un ouvrier périt dans les caissons.
Cette technique des caissons pressurisés fut aussi utilisée pour le passage des métros sous la Seine. Un de nos articles vous en décrit les travaux titanesques.
> Le Pont de l’Alma et son zouave.
Dès que la Seine monte tous les Parisiens ont les yeux rivés sur cette statue.
Lorsque le niveau de la Seine atteint les pieds de ce zouave, les voies sur berges sont en général fermées. Lorsque l’eau monte jusqu’aux cuisses du zouave, la Seine n’est plus navigable. Lors de la crue historique de 1910, l’eau est montée jusqu’aux épaules.
Le Pont est construit et inauguré sous Napoléon III. Chacune des deux piles était décorée, côté amont et côté aval, par une statue représentant un des quatre régiments ayant valeureusement combattu lors de la guerre de Crimée : un zouave et un grenadier sculptés par Georges Diebolt, un chasseur à pied et un artilleur sculptés par Auguste Arnaud.
Le pont est reconstruit en 1970 mais il ne possède plus qu’une seule pile.
Seul le zouave a été conservé après avoir changé de côté.
Les trois autres statues ont été déplacées : le chasseur à pied est visible depuis l’autoroute A4 contre le mur sud de la redoute de Gravelle dans le bois de Vincennes, le grenadier est à Dijon, l’artilleur est désormais à La Fère dans le département de l’Aisne.